Ce film c’est des personnages, ce n’est pas une intrigue. C’est comme ça que j’aurai tendance à le résumer. On suit Randle McMurphy, un homme transféré de la prison à l’hôpital psychiatrique par précaution pour laisser le temps aux médecins de statuer sur son cas, car il est soupçonné de simuler la folie. Jack Nicholson franchement : Quoi de mieux que ce dernier pour jouer un doux dingue ? Son arrivée et son attitude contestataire vont bouleverser le quotidien bien huilé des pensionnaires.


Il va essayer de transgresser les règles de l’infirmière en chef, Mlle Ratched, jouée par Louise Fletcher. Et je dois dire que c’est, sans problème, le personnage que je préfère dans ce film. Jack Nicholson est certes bigrement bon et je parlerai d’ici peu des autres patients, mais… Louise Fletcher parvient à faire passer tant de choses en un regard. Son visage restera gravé dans la mémoire de tout spectateur. Elle a une maitrise effroyable d'elle-même et malgré l’influence grandissante de McMurphy sur les autres pensionnaires, elle le désarme par son calme. L’équivoque reste entière : Sait-elle que Murphy simule la folie ? Veut-elle l’aider ou le briser ? Et a en tout cas une terrible autorité naturelle et en même temps cette ombre de sourire qui la rend irritante et place le spectateur du côté de Murphy.


D’autant plus vu ce qu’il promet, envers et contre tout, aux autres pensionnaires : La liberté. Le cadre de l’institution restreint naturellement l’espoir, mais il va faire bouger les choses dans cet environnement liberticide. Et jugez plutôt le casting des autres patients : Danny de Vito qui affiche un sourire béat en toutes circonstances, Vincent Schiavelli qu’on reconnait d’emblée à son fameux regard qui exprime la pure mélancolie même quand il rit, Christopher Lloyd incroyablement sobre comparé à la plupart de ses rôles connus, Brad Dourif, le petit jeunot de la bande pour lequel on éprouvera forcément de l’empathie à un moment donné. Sans oublier le personnage silencieux et pourtant crucial du Grand Chef. J’avoue cependant que je ne connais pas l’acteur.


Les scènes de thérapie de groupe sont parmi les meilleures du film, elles permettent à chacun d’exprimer son talent, avec un personnage plus ou moins extraverti, l’infirmière Ratched jouant le rôle d’arbitre, dont l’impartialité est sans cesse remise en cause par McMurphy, surtout à mesure qu’il s’attache sincèrement aux autres patients. Il parvient même à emmener ces derniers durant quelques heures pour une escapade en bateau, la seule scène en dehors du centre. Un break de liberté, qui casse la routine des pensionnaires et montre que McMurphy n’est pas qu’un gueulard égoïste.


Un des messages du film est le gros plan sur la condition des patients. Ils plient tous devant l’infirmière Ratched et son cadre résolument routinier. Tout en affirmant que bouleverser trop brusquement des habitudes puisse être néfaste pour l’équilibre des patients, elle semble surtout installer un climat qui finit par les résigner à une existence morne. A tel point que de leur côté on peut avoir des doutes sur leur véritable « folie », après tout ils étaient là avant Murphy et donc avant le spectateur, cette manière de faire les a-t-elle vraiment fait progresser ? Et du côté de Ratched, le doute subsiste également de ce côté-là : Fait-elle preuve d’un zèle excessif concernant le bien être des patients ou jouit-elle surtout de son petit diktat ?


Néanmoins ce film n’est pas exagérément pessimiste. Combien de films nous montrent avec des gros sabots des patients/prisonniers subissant les électrochocs tous les quatre matins, forcés par des gardiens sadiques à avaler leurs médicaments, qui les tabassent s’ils sont trop agités, leur désespoir dans une cellule capitonnée, etc. Ici, que nenni ! On n'est pas dans le pavillon des fous dangereux. Ainsi, malgré certains passages où les patients sont plus agités et où les gardiens sont obligés d'intervenir, on ne ressent pas l’impression d’être devant un amas de clichés, ni celle d’être devant un film sinistre.


Moyennant quoi je ne me suis pas senti triste ou déprimé après l’avoir vu, même devant la fin, mélange de tragique et d’espoir. Miloš Forman signe là probablement son meilleur film. Quand je disais que ce film c’était plus des personnages et non une intrigue, je le disais pour son humanité, pour son interprétation, et son message. Alors qu’il a plus 40 ans, il a très bien vieilli et si vous ne l’avez déjà vu, je ne saurais que trop vous le conseiller.

The Reg

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8

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