Véritable bombe anti-morale où le sang fait la loi, Vorace surprend en s’aventurant sur des terres si peu familières que l'on passe tout le film à se demander où l'on va. Par l'intermédiaire de personnages complètement allumés, Antonia Bird assène son propos à coup de ragout humain : les hommes se dévorent entre eux pour s'accaparer les pouvoirs de leur victime. Ont-il tort ou raison de le faire ? Une quelconque morale est-elle à justifier pour se priver d'une santé à toute épreuve ? Une synthèse très noire de nombreux courants philosophiques qui ont bien du mal à répondre à la question universelle du bien et du mal, Vorace est incroyablement dense et malmène les foules en abordant cet épineux sujet d'une manière totalement hors norme, empruntant pour l’occasion les codes bien marqués de genres cinématographiques très variés, parmi lesquels figurent le western, l'horreur, le fantastique ou bien encore la comédie noire.
Vorace est un film à part, qui sait captiver l'intérêt dès ses premières images. L'ambiance y est poisseuse en diable, des plus inquiétante, l'atmosphère parfaite pour faire évoluer des hommes guidés par des pulsions animales qu'ils ne peuvent refouler. Robert Carlyle y incarne avec fougue le meneur, un affamé de chair fraîche à l'esprit psychotique, en roue libre complète. Il a abandonné toute notion de bonne moralité pour laisser parler son instinct animal. Toute sa bestialité s’exprime dans une séquence terrible qui le voit mener jusqu'à sa tanière son repas du soir.
Antonia Bird parvient à transcender la superbe performance de son acteur par une réalisation efficace et une écriture solide qui prend le temps de construire des personnages, peu nombreux, mais qui ont chacun un impact sur le récit. Le plus intéressant étant certainement ce lâche, décoré de guerre, interprété tout en retenue par un Guy Pearce en grande forme. Un personnage en péril, ravagé par des démons qu'il a conviés malgré lui à sa table et qu'il aurait souhaité ne jamais connaître. Et bien qu'il soit atteint de couardise aiguë (cette chute libre du haut de la falaise en guise de fuite marque les esprits), ses solides principes lui permettent de ne jamais se laisser tenter de façon irrémédiable.
Vorace est une jolie découverte qui restera à coup sur dans mes souvenirs car le film d’Antonia Bird fait partie de ces oeuvres que l'on n'oublie pas. Tout y est réuni pour un matraquage de rétine en bonne et due forme. Un pitch vraiment à part et d'une intelligence redoutable -à travers la métaphore du cannibalisme ce sont bien les Etats Unis et ses origines qui sont pointés du doigt-, une réalisation sinon vraiment inspirée, carrée, efficace et bien sentie en matière de photographie, une ambiance musicale inattendue mais hypnotique et enfin des acteurs farouchement habités. Recette de luxe qui marquera votre fin palais après le visionnage, avec la même puissance que déploie la tourbe de cet Ardbeg qui vous a aidé à supporter le malaise. Diaboliquement savoureux. A tel point que lorsque le générique s'imprime sur l'écran, on tend son assiette (et son godet) pour un peu de rab ! :D
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