Certes, Warrior ressemble beaucoup à Fighter, sorti également cette année, au Wrestler d'Aronofsky, ou même à Rocky Balboa. Certes, les grandes lignes du scénario s'engagent dans des sentiers maintes fois battus, de la séquence d'entraînement aux combats acharnés sur le ring. Mais cela n'empêche pourtant pas le film de Gavin O'Connor d'embarquer son spectateur dans une fresque sportive aussi efficace qu'émouvante. Peut-être parce que le réalisateur relègue justement la dimension sportive au second plan pour s'attacher – à l'instar de Fighter – à l'humain, au sens « guerrier » du terme, comme l'annonce son titre. Comme Fighter, il s'agit avant tout d'un drame familial, brossant le portrait de deux frères, mais contrairement à son prédécesseur, Warrior met en scène un affrontement fraternel, presque fratricide, inscrivant ainsi symboliquement son intrigue dans une sphère mythologique.

Si la confrontation entre Tom Hardy (effrayant, monolithique, impénétrable) et Joel Edgerton (attachant, sympathique) évoque évidemment les grandes rivalités fraternelles de nos mythologies (Caïn et Abel, Etéocle et Polynice, Seth et Horus...), elle est avant tout le moteur d'un crescendo dramatique aussi implacable que puissant, ponctué de scènes de combats âpres et intenses. Si, dans la coulisse, la tension monte sans cesse entre les deux frères ennemis, alimentée par la haine commune envers un père irresponsable (Nick Nolte, jouant avec brio un paternel pathétique), c'est sur le ring que le drame familial se dénoue progressivement. Atteignant souvent des sommets de lyrisme brut, transcendés par le score de Mark Isham, les combats dans Warrior prennent littéralement aux tripes. Menée par un trio d'acteurs inspirés, la « guerre des trois » a bien lieu, déchirement entre deux frères, mais surtout entre un père paumé et ses fils déboussolés. Au-delà des combats physiques, chacun se bat pour une cause intime : le père contre lui-même, contre une image qu'il déteste et qu'il tente d'oublier, les deux fils pour laver leur honneur, le premier tentant de sauver sa famille d'un naufrage imminent, l'autre cherchant à enterrer un passé militaire traumatisant. Gavin O'Connor met en scène une lutte acharnée pour la survie, une quête du salut qui s'approprie tous les clichés du film de sport pour les dépasser, à travers l'accomplissement, la réunion de trois destins. Et c'est cet art du dépassement qui rend Warrior si efficace et attachant, cristallisé dans une image finale suspendue, aussi magnifique que poignante. Complément fraternel de Fighter, hommage touchant à Rocky, certainement l'un des plus beaux films du genre, simple et sincère.
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le 16 sept. 2011

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