janv 2011;

Très, très drôle, dès lors qu'on accepte un a priori fondamental : "on peut rire de tout". Si rire de la mort vous chafouine, si rire des réalités atroces que notre époque nous fait subir vous chagrine, il vaut mieux passer votre chemin. Au contraire, si vous considérez que la comédie peut avoir un rôle d'exorciste et cristalliser dans le rire les angoisses produites par le terrorisme, ce film devrait vous ravir. J'ai toujours pensé que la comédie ne servait pas seulement à se nettoyer la tête mais également à dénoncer l'incommensurable connerie humaine.

Et qu'y a-t-il de plus crétin qu'un type qui tue au nom de Dieu? On a là effectivement un lot d'imbéciles complètement fanatisés en plein délire djihadiste et dont l'incompétence assassine rivalise avec la faiblesse intellectuelle.

Christopher Morris, Jesse Armstrong, Sam Bain et Simon Blackwell (au scénario) produisent là une comédie pas aussi déjantée qu'elle s'en donne l'air, mais d'une vivifiante et courageuse intelligence. Allant jusqu'au bout de la logique de ses pieds-nickelés islamistes, le film se pare sur la fin d'une couche de noirceur qui prouve que le dessein des auteurs n'est pas uniquement de faire rire. On n'est ni dans du ZAZ, ni dans du Borat, drôles mais à peu près vides. L'histoire a du sens. Le terrorisme n'est pas une donnée prise à la légère. Je trouve ça couillu et pour tout dire très respectueux du public. On ne sent pas pris pour un con : rire de l'horreur du monde sans pour autant la nier.

Morris habille des scènes monstrueuses d'une dramaturgie traditionnelle, j'ai envie de dire hollywoodienne, familiale. Cela fait froid dans le dos parce que le contraste est saisissant mais surtout parce que ce qui parait absurde ou exagéré est bêtement tout à fait réel. Par exemple, on y voit un père raconter "Le roi lion" en l'adaptant à son djihad, pour justifier son futur attentat suicide. Or, on a vu des émissions de télé bien réelles faisant l'apologie du terrorisme avec des marionnettes pour les gamins.
De même, ces scènes de famille heureuse où les parents préparent dans la joie et de la manière la plus naturelle qui soit les attentats du mari, sont traitées avec un ton de normalité des plus choquants, qui fait donc rire et peur à la fois.

Tout cela ne serait pas tenable si les acteurs étaient mauvais, je suppose. Mais ici, le travail des comédiens est même extraordinaire pour certains. Je les ai trouvé excellents. Jouer les cons finis c'est quand même ce qu'il y a de plus casse-gueule au cinéma. Et ces types parviennent à maintenir un rythme et une justesse de ton assez incroyable, tout le long du film, sans défaut : je suis épaté.

Cela fait du bien de tomber sur un film comme ça, aussi fin, divertissant, incisif et valorisant pour un genre souvent dénigré.
Alligator
8
Écrit par

Créée

le 16 avr. 2013

Critique lue 251 fois

1 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 251 fois

1

D'autres avis sur We Are Four Lions

We Are Four Lions
takeshi29
8

Si vous trouvez Borat trop gentil et les djihadistes trop cons...

Edit au 15/01/2015 : une notification me prévient que Palmier de Bar a apprécié ma critique. Et là une envie me vient, celle de mettre en avant ce film dans le Live afin de rendre une nouvelle fois...

le 12 juin 2011

18 j'aime

2

We Are Four Lions
Navo
9

Critique de We Are Four Lions par Navo

On peut rire de tout. Et encore plus d'un groupe de terroristes amateurs complètement à la masse qui lit visiblement le coran comme moi je lis les lignes de la main : n'importe comment. Ça grince, ça...

Par

le 9 déc. 2010

16 j'aime

We Are Four Lions
Marius
7

Le terrorisme à visage humain

Au nez et à la barbe des Anglais, cinq jihadistes débiles, incapables de rejoindre Al-Qaeda, foutent le dawa en Angleterre. C'est drôle, il y a des scènes de cruauté envers les volatiles et...

le 25 déc. 2010

14 j'aime

6

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime