Après avoir fait exploser la terre à coup de Kaboom, Gregg Araki revient à une veine plus terre à terre de son cinéma, celle qui avait fait son succès avec Mysterious Skin. Le cinéaste passionné par les adolescents propulse leur nouvelle star Shailene Woodley au cœur de son White Bird. Elle campe le rôle de Kat, adolescente indifférente à la disparition de sa mère, et qui en vient à se poser des questions sur elle-même.
Après Mysterious Skin Gregg Araki adapte un nouveau roman. Il laisse un temps de côté les scénarios sans queue ni tête jubilatoires sans pour autant abandonner la forme si singulière de ses films qui en a fait sa popularité. Énième rôle d'ado pour Shailene Woodley mais une composition aux antipodes de ses précédents films. La jeune actrice américaine se sublime ici dans un vrai rôle d'adolescente qui se cherche après la disparition de sa mère jouée par Eva Green, trentenaire. Deux jeunes femmes qui auraient pu être sœurs se retrouvent mère et filles. Ce n'est qu'un pas pour entrer dans le monde fantastique de cette Amérique façon Douglas Sirk, à la sauce eighties. Un monde mélodramatique que la jeune héroïque va tenter d'éviter au maximum, par peur de ressembler à sa mère. En effet, derrière la vitrine de la famille américaine parfaite, le secret, la honte, l'homophobie, le meurtre. Cela, Kat ne le sais pas, mais le pressent fortement. Tout comme le spectateur.
En maquillant son film comme un soap opera, Gregg Araki entretient le suspense sur cette disparition soudaine de la mère, multipliant les fausses pistes. Christopher Meloni, l'acteur génial de la série d'Oz, dont le personnage était un playboy violent et séducteur, trouve ici le parfait contre-emploi en père de famille boudiné et victimisé par sa propre femme. Mais un point commun subsiste : son homosexualité. Ce twist final était évident, sous notre nez, mais on a feint de le voir, pensant que le contre-emploi serait radical. Tout comme Kat, refusant de voir de l'évidence.
Loin du paradis, White Bird ressemble à du Tod Haynes à la sauce teenagers. Un enfer pour eux que le monde bien carré des classes moyennes américaines. Gregg Araki réussit une nouvelle fois à parler de son pays, à travers ce qui l'intéresse le plus : l'adolescence.