Ce film est un univers parallèle complètement allumé rempli de personnages ayant depuis longtemps franchi les frontières de la folie furieuse. Chacun d'entre eux est plus déjanté que le précédent, les scènes deviennent de plus en plus absurdes dans leur démence tout comme les protagonistes qui s'enfoncent dans l'aberration au fur et à mesure de la progression du récit. D'ailleurs les vingt-cinq dernières minutes sont le point culminant psychotique de toute cette aliénation démesurée ambiante. Une sorte de climax particulièrement intense où chaque plan est sujet à la démonstration de l'exaltation de ce film ravagé.


Il nous présente l'histoire conjointe d'une bande de cinéphiles post-adolescents un brin ringards, les Fuck Bombers, qui se veulent cinéastes et de deux clans de yakuzas se faisant régulièrement la guerre. Tous les personnages sont hauts en couleurs, et d'ailleurs ils sont également totalement barrés. Chez les Fuck Bombers on a le directeur fou Hirata, une brindille hystérique autosatisfaite perpétuellement positive, Sasaki le futur Bruce Lee raté et le duo de caméramans geeks à lunettes Miki-Tashigawa. Une fine équipe. Les yakuzas sont divisés en deux clans. Le premier dirigé par un colérique au cheveu rare appelé Muto, dont la femme désaxée est en prison pour avoir massacré les membres d'un autre clan tentant de le tuer chez lui. Ils ont une fille du nom de Mitsuko qui est une sorte de starlette manquée punkette psychopathe. L'autre clan dirigé par un certain Ikegami, qui lui est à fond sur Mitsuko depuis leur première rencontre (il faisait partie des hommes ayant essayé d’assassiner Muto et qui se sont faits démonter), mais alors vraiment à fond, au point de lui ériger un autel. D’ailleurs il vit dans un château, s'habille avec des kimonos et porte des sabres. Il y a aussi un jeune homme nommé Koji, le looser typique, qui va croiser la route de Mitsuko.


Ces histoires au début séparées finissent par se rejoindre assez logiquement vers le milieu de la seconde partie du film. La première étant le prélude de la seconde et se plaçant dix années avant. L'introduction est d'ailleurs complètement inattendue, avec le clip d'une petite fille toute choupinette promouvant un dentifrice sur une mélodie enfantine et invasive qui servira en quelque sorte de leitmotiv ainsi-que de liant au film. Cette petite fille est d'ailleurs Mitsuko, un subtil mélange entre muse et furie qui a une place centrale dans l'histoire. Hommage vibrant aux films d'action gores de série B par sa violence et ses effusions d'hémoglobine souvent grotesques, il fait aussi office de comédie délirante où la violence est souvent plus prétexte au rire qu'à autre chose. Celle-ci est tellement décomplexée qu'elle perd tout impact émotionnel et offre un comique de situation particulièrement savoureux. D'ailleurs les personnages eux-mêmes en rient et sont tellement extravagants qu'il est impossible de leur prêter une quelconque crédibilité dramatique. C'est là qu'intervient un humour noir féroce où chaque réplique peut être prétexte à un pique particulièrement acide. Le décalage est également partie prenante de ce film, où les situations incongrues fusent, que ce soit avec le groupe de cinéastes ratés où les Yakuzas.


Certaines scènes sont complètement surréalistes. La rencontre entre Ikegami et Mitsuko dans la première partie par exemple. Celle-ci arrive dans une pièce et glisse dans la mare de sang qui s'y trouve jusqu'au yakuza. Puis elle l'engueule à cause du parquet ensanglanté, chante ensuite sa comptine, appelle une société de nettoyage et dit au yakuza de se lever en souriant comme un homme pour repartir. J'avais bien dit complètement surréaliste. C'est un peu pareil pour les scènes se passant dans la tête des personnages. Un coup on voit comment Muto imagine le combat final, comment Hirata imagine l'écriture du script et l’entrainement des yakuzas qu'il n'a pas le temps de faire, comment Koji cocaïné voit Mitsuko combattre ou bien la vision qu'a Hirata du futur succès de son film... On peut aussi parler du baiser d'adieu mort de Mitsuko à son ex bercé par une musique hypnotique, pour le moins piquant, ou du moment où Hirata se met à filmer Ikegami blessé lorsqu'il sort de chez la famille Muto. Enfin comment ne pas mentionner la scène finale et l'hystérie totale d'Hirata qui court avec ses bobines.


Tout ceux qui ont regardé Kill Bill se souviennent de la scène de massacre dans le restaurant. Là on a un peu le même principe dans le château d'Ikegami, mais il faut l'imaginer démultipliée et chargée aux amphétamines. On n'a pas une tueuse à gages en survêtement jaune qui fait cinquante victimes mais deux bandes entières qui s'entretuent de manière totalement anarchique sous les caméras (et même des fois les coups) des Fuck Bombers à grand renfort de sabres puis d'armes lourdes. D'ailleurs comment ne pas mentionner le sosie de Bruce Lee en survêtement jaune qui cabotine à fond ? Entre moquerie à Uma Thurman et hommage sarcastique au Dragon je ne sais que choisir... Finalement Sion Sono reprend ce que Tarantino avait déjà lui-même repris des codes du cinéma asiatiques pour Kill Bill. Cette réappropriation est un véritable coup de maître et place la barre encore plus haut.


Sans compter qu'au niveau réalisation et montage, c'est la grande classe. Tout est maîtrisé de bout-en-bout. La musique à l’éclectisme délictueux mixant musique classique et tubes américains convient vraiment au film. Son rythme effréné de véritable comédie gore totalement hystérique est une pure réussite de la part de Sion Sono qui réalise donc là un film mémorable. Je suis resté complètement euphorique lors de ce film, qui est juste énorme, jubilatoire, jouissif... De nombreuses scènes m'ont laissé particulièrement hilares et les nombreux personnages loufoques sont mémorables. Du coup j'ai vraiment envie d'aller jouer en Enfer.

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le 1 mai 2014

Modifiée

le 1 mai 2014

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Brad-Pitre

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