Après avoir participé à la réalisation des films Sicario et Comancheria en tant que scénariste, Taylor Sheridan passe pour la première fois de sa carrière cinématographique derrière la caméra, afin de conclure une trilogie centrée sur la frontière américaine moderne. Cet artiste tenait à mettre en œuvre une production respectable et tout à fait honnête dans son histoire, surtout que la production traite des sujets très sensibles dont ses amis amérindiens ont subi dans la vraie vie. Il voulait tellement être sûr de son scénario qui l'a envoyé à certains tribus vivant dans la réserve indienne de Wind River.
En agissant ainsi, Taylor Sheridan ne pouvait que rassurer son public, il mettait toutes ses chances de son côté. Je n'ai pas vu la production Comancheria mais j'ai visionné Sicario. Je me rappelle très bien que c'était un thriller monté avec beaucoup de tact et de finesse, avec comme support un scénario soigneusement bien ficelé et un dénouement final très inattendu. Je savais donc quel genre de réalisation j'étais en train de mater, j'ai eu exactement la même satisfaction que celle de Sicario. Le réalisateur avait deux cartes à jouer pour donner un certain ton personnel percutant et caractéristique à son long-métrage : la population amérindienne et les fabuleux décors naturels neigeux de l'environnement.
Avec ces atouts se mariant sans la moindre complexité, Taylor Sheridan crée un thriller exemplaire et tout à fait prenant sur plusieurs points techniques. L'histoire se déroule dans une lenteur saine et dépourvue de toute incompréhension. Elle laisse planer tranquillement un suspense très entraînant, tout en mettant en évidence la facette humaine et incertaine des Amérindiens sur leur propre territoire. Tout le film est une étude de la nouvelle Amérique particulièrement intéressante et intrigante, décrivant l'environnement montagneux et neigeux de Wind River comme un territoire sauvage, brutal et dangereux.
Ça fait vraiment plaisir de voir des décors utilisés intelligemment pour développer un nouveau genre de film ou une nouvelle expérience cinématographique. A ce jour, je n'en ai pas vu beaucoup qui le faisait avec autant de habileté comme le Whiteout de Dominic Sena, une enquête policière banale se déroulant en Antarctique. Dans ce long-métrage, je sais que les décors veulent dire quelque-chose, c'est même une pièce majeure du film pour comprendre un point crucial de l'enquête comme le couple principal nous le fait savoir progressivement, très bien joués d'ailleurs par Jeremy Renner et Elizabeth Olsen.
Étonnamment, le réalisateur a engagé des vrais Amérindiens pour leur faire camper des personnages, ce qui est vachement osé mais incroyablement efficace. Il n'y a rien de mieux de mettre des vraies personnes pour représenter en tout dignité des personnages qui méritent d'être bien traités. Et pour une première réalisation, c'est pas mal du tout dans l'ensemble. La mise en scène est solide et irréprochable, on a un vrai suivi des personnages dans leur progression policière, on est constamment bluffé par la magnificence des décors naturels et on est inévitablement submergé dans une ambiance habilement tendue et tenace. J'ai comme l'impression que c'est un réalisateur de même genre que Denis Villeneuve qui est en train de prendre naissance, je serais curieux de découvrir ses prochains projets cinématographiques. 8/10
Je connaissais cette fille, c'était une battante.