Winter's Bone, multi nominé aux Oscars, n'en aura cependant décroché aucun. En aurait-il mérité ? Peut-être. Mais ce qui est fait est fait. Laissons nous néanmoins porter par ce drame dans le monde joyeux des hillbillies du Missouri.
Ree (Jennifer Lawrence), est une jeune femme de 17 ans, dont la mère est absente et le père a disparu. Obligée de s'occuper de son frère de 12 ans et sa soeur de 6 ans, elle aura en plus à subir la visite d'un flic réclamant que son père se présente à un convocation, auquel cas ils seront obligés de saisir leur maison, qui avait servi de caution pour sa libération. Bien décidée à retrouver son père, Ree s'aventurera sur une pente ardue, qui lui réservera bien des déconfitures, et surtout un lourd secret.

Le principal inconvénient de Winter's Bone est son style narratif très particulier. Soit on accroche à cette aventure dans le Missouri profond, soit on s'emmerde profondément. Voilà qui est dit, mais cette précision me semblait nécessaire pour vous éviter une grosse déception.
Ayant accroché à son développement lancinant, je suis donc de parti pris, et j'ai immédiatement plongé dans cette histoire passionnante, sortant des sentiers battus et dépeignant un univers qui nous est complètement étranger. L'héroïne se bat pour retrouver son père, mais surtout pour sauver sa famille, questionne son voisinage, qui profite de sa crédulité pour la faire tourner en bourrique, et lui cacher une vérité que tout le monde veut taire. Finalement aidée par son oncle, Teardrop (John Hawkes), un homme patibulaire, mais cachant bien son jeu, l'aventure continuera à se développer de manière toujours passionnante, pour peu que l'on accroche.
Autre point fort du film, c'est son casting particulier qui met sur un piédestal tous les acteurs aux physiques loin des standards de beauté, et souvent relégués à des seconds rôles, John Hawkes en tête, sublime dans ce rôle d'homme bourru à la tendresse cachée, mais aussi Dale Dickey, l'affreuse prostituée toxicomane de la série Breaking Bad et également personnage récurrent de la série Earl. C'est grâce à ce choix judicieux que le film gagne énormément en crédibilité, même si celle-ci s'avère un peu atténuée par Jennifer Lawrence, presque trop belle, qui malgré sa superbe interprétation tranche avec le reste de la distribution.
Cerise sur le gâteau, la photographie des forêts des monts Ozarks s'avère aussi somptueuse que triste, filant le bourdon tel un mois de juillet sous la pluie; un très beau travail signé Michael McDonough, qui ne s'était pourtant juste là qu'illustré que dans des direct-to-dvd.

Bref, Winter's Bone est un savant mélange drame/thriller, réussissant à tenir en haleine tout du long, nous forçant à nous interroger sur ce qu'a bien pu devenir son père, et surtout espérer qu'elle réussisse à gagner son combat pour sauver sa famille. Superbe ode à la volonté dont peut faire preuve une femme déterminée, Debra Granik porte à l'écran une oeuvre unique, poignante et maussade, arrivant à faire côtoyer beauté et laideur dans un ballet étourdissant. C'est d'ailleurs la seconde fois qu'elle brille dans ce domaine, son précédent film, Down to the Bone, ayant déjà pour personnage principal une femme se battant pour élever les siens.
Finalement, Winter's Bone aurait bien mérité sa statuette, mais son côté morose dépeignant une Amérique exsangue ne devait pas faire partie des priorités d'une Académie amoureuse de la bienséance. Peu importe, le métrage aura remporté le Grand Prix du Jury de Sundance, et ça en terme de crédibilité ça vaut tous les petits bonshommes dorés du monde.
Pour conclure, ne vous attendez pas à un thriller mené tambour battant avec une tonne d'action, car ça n'en est pas un. Si en revanche vous êtes amoureux des enquêtes aux révélations progressives et aux combats de femmes, ou plus globalement aux drames, vous succomberez inévitablement au charme de l'oeuvre, et en garderez un souvenir impérissable.
Mention spéciale pour Jennifer Lawrence, à l'interprétation passionnante et passionnée, et qui avec son joli minois révèle une lueur de beauté dans ce Missouri sordide et froid.
SlashersHouse
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le 2 mars 2011

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