Sorti entre First Class et Days of Future Past, tout en étant chronologiquement coincé entre la catastrophe X-Men Origins : Wolverine et la claque Logan, Wolverine : Le Combat de l'Immortel (titre original : The Wolverine) est le plus communément oublié des films de la saga des mutants. Mais est-ce mérité ? Est-il le plus oubliable ?


Après le traumatisme que fut Origins, véritable festival de clichés, de niaiseries et d'action insipide et assommante en tous genres, la Fox se doit de remettre les pendules à l'heure. Le studio constate que leur ton relativement mature et sérieux semble faire partie ce ce qui avait marché sur les deux premiers, aussi fait-il appel au controversé Darren Aronofsky (The Wrestler, Black Swan) pour rendre justice au personnage de Logan, alias Wolverine, devenu le porte-étendard de la franchise sous les traits de l'acteur australien Hugh Jackman. Adepte des personnages en marge ou peu à l'aise en société, Aronofsky paraît taillé pour le rôle, mais la perspective d'aller tourner loin de sa famille lui fait faire marche arrière - du moins officiellement. La Fox le remplace alors par James Mangold, dont le remake de 3.10 to Yuma n'est pas passé inaperçu. Dans un cas comme dans l'autre, on a clairement affaire à un effort délibéré de remettre les pieds poilus du mutant sur terre.


Cela se concrétise dès l'ouverture de The Wolverine, sans tambour ni trompette, en pleine attaque atomique sur Nagasaki en 1945. Usant de ses pouvoirs de régénération, Logan protège le jeune officier nippon Yashida (Haruhiko Yamanouchi) des effets de l'explosion. Saut de plusieurs décennies dans le temps, et nous voilà longtemps après les événements d'X-Men 3 : Logan vit désormais en ermite dans la forêt canadienne, où il est repêché par Yukio (Rila Fukushima), une ado japonaise au service de Yashida, devenu entre-temps milliardaire. Sur le point de rendre l'âme, le vieillard a une drôle de façon de vouloir repayer sa dette envers Logan, puisqu'il propose de le libérer du fardeau de l'immortalité en pompant ses capacités régénératrices, rien de moins !


On l'aura compris, cette intrigue, ainsi que la délocalisation qu'elle entraîne, est surtout excuse à confronter Logan "l'immortel" à sa propre existence solitaire (d'où le titre français, ronflant mais pas si inadéquat), lui dont les nuits sont hantées par le souvenir de Jean Grey (Famke Janssen), son aimée qu'il a occis à la fin de X3. De fait, The Wolverine est à sa sortie le plus introspectif des films de la franchise lancée douze ans auparavant. De nombreuses scènes sont dédiées au profond désarroi du héros plus désabusé que jamais, ce qui est fort appréciable en théorie, mais un peu moins en pratique puisque ce vague-à-l'âme ne s'exprime guère que de deux façons : par ses hallucinations de Jean en nuisette et au-travers d'une romance totalement forcée avec Mariko (Tao Okamoto), la petite-fille de Yashida.


Il suffit de lire quelques interviews de James Mangold pour se rendre compte que s'il a clairement une vision et entend dépeindre le tourment d'un homme plutôt que de simplement filmer des explosions à la chaîne comme ses prédécesseurs Ratner et Hood, il n'a également aucun intérêt pour les X-Men en tant que tels, ce qui se concrétise par leur quasi-absence - outre Wolverine lui-même, elles ne sont que deux, aux pouvoirs déployés avec la plus grande parcimonie. Ce ne serait pas un problème en soi, si ce souci de réalisme ne déracinait pas autant son principal protagoniste.


Mangold, à travers The Wolverine, surfe clairement sur la vague The Dark Knight : une grande attention est portée à l'image et à l'environnement, tandis que les éléments les plus farfelus du comics-source sont supprimés. Sauf que pour sa trilogie, Christopher Nolan remettait les compteurs à zéro, il se détachait de tout ce qui avait été fait avant lui, un peu comme les James Bond avec Daniel Craig le faisaient à la même époque. The Wolverine, lui, est clairement rattaché à X3, mais sans que l'on sache ni quand ni comment. Il est donc un peu perturbant de quitter un Logan certes veuf mais partie intégrante de l'école du Professeur X, pour le retrouver en homme des cavernes hirsute au début de ce nouveau film !


De plus, le concept-même du personnage ne se prête pas un tel relifting. Batman est un homme normal dont les pouvoirs lui viennent de son intellect et de son équipement, ce qui demeure concevable. Wolverine... a des griffes qui lui sortent des mains. Je ne pense pas que c'était une bonne idée de le séparer aussi brutalement de l'univers qui était le sien jusqu'à présent. Au contraire, l'introduction de nouveaux mutants japonais aurait apporté un peu plus de couleur au récit sans pour autant dénaturer la trame voulue par Mangold.


Au lieu de cela, seule la séquence finale vient maladroitement nous rappeler qu'il s'agit d'un film de super-héros, alors que tout le reste du film semblait déterminé à prouver le contraire ! Cette schizophrénie n'est pas sans rappeler le travail effectué sur Superman dans Man of Steel et Spiderman dans The Amazing Spiderman, même si James Mangold s'en sort beaucoup mieux, je tiens à le souligner.


D'ailleurs, The Wolverine n'est pas un mauvais film du tout, loin s'en faut ; l'action y est un million de fois meilleure que dans Origins (mention spéciale à la séquence du Shinkanzen, très imaginative et prenante), pour ne rien dire du jeu d'acteur ! Le scénario est un peu confus cependant, car là encore on sent que Mangold essaie de meubler autour de sa prémisse. Mais il faut remarquer une bel effort de rendre hommage à la culture japonaise (de nombreux dialogues sont sous-titrés, ce qui n'est pas commun sur une grosse production hollywoodienne), même si certains clichés ne sont pas évités.


Alors, film oubliable, The Wolverine ? Non, il y a clairement de quoi se divertir pour deux heures, sans pour autant y laisser quelques neurones, grâce au souci bien réel du réalisateur James Mangold à raconter l'histoire d'un personnage. Mais ce souci était tellement grand que Mangold a un peu oublié ce qui faisait le succès des films X-Men, d'où un certain déracinement qui, à mes yeux, s'avère préjudiciable, mais que d'autres moins indulgents vis-à-vis de la trilogie originale verront d'un moins mauvais œil.


De façon générale, The Wolverine, en dépit de ses indéniables qualités, souffre de la crise d'identité qui agitait alors les films de super-héros et la franchise X-Men en particulier : comment cumuler publics jeune et adulte ? La Fox et James Mangold allaient chacun résoudre cette équation à leur manière : la première, en rappelant le banni Bryan Singer ; le second, en tranchant radicalement le nœud gordien. Mais pour les X-Men comme pour Logan, le meilleur restait à venir...

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le 6 avr. 2020

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Szalinowski

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