Critique : World War Z (par Cineshow.fr)

Parmi les cinéastes à la filmographie aussi hétéroclite qu’en dents de scies, Marc Forster fait sans aucun doute office de figure de proue. Pas vraiment yes man, pas vraiment auteur non plus, celui qui permis à Halle Berry d’obtenir l’Oscar de la meilleure actrice avec A l’ombre de la haine a entamé un virage depuis 2008 en se concentrant sur des œuvres résolument plus tournées vers l’action. Pourtant, Quantum Of Solace ne lui permis pas vraiment de revendiquer une vraie légitimité dans le domaine, le film étant franchement gangrené par un scénario faiblard, résultat direct de la grève de scénaristes qui eut raison d’un certain nombre de longs-métrages et séries à l’époque. Deux ans plus tard, il mettait sur pied Machine Gun Preacher (vient de sortir en DVD et Blu Ray en France) avec Gerard Butler et Michael Shannon avant de se retrouver catapulté à la tête du sujet qui nous intéresse, World War Z. Adaptation directe du roman de Max Brooks (fil de Mel), le film fut précédé d’une réputation peu flatteuse en raison de problèmes de production récurrents. Discorde entre Brad Pitt (acteur mais également producteur) et le réalisateur, témoignages d’acteurs sur place accablants, incapacité du réalisateur à tenir son film et surtout, ré-écriture de la fin après la première session de tournage, autant de rumeurs et faits avérés qui laissaient présupposer d’un foirage en règle, une sorte de John Carter chez Paramount. Décalé de près d’un an en raison du changement de fin, World War Z arrive enfin sur nos écrans et le moins que l’on puisse dire, c’est que si drame il y a eu, le résultat demeure malgré tout franchement convaincant.

Il est probable que les fans hardcore du livre d’origine regretteront le manque d’inscription du film dans un contexte géopolitique fort. Dénué de toute volonté politisant ou regard sur le monde, World War Z se concentre exclusivement sur son concept de base, l’invasion totale et apocalyptique du monde, et la survie d’une famille lorsqu’humanité se retrouve à feu et à sang. C’est primaire, direct, et surtout incroyablement efficace. L’introduction donnera d’ailleurs le tempo en l’espace de quelque minutes, juste le temps de comprendre que Brad Pitt est un jeune retraité des services spéciaux, qu’il est aimé par sa femme et qu’il est le père de deux petites filles. La première attaque des zombies déferle ensuite sur New York dans un brouhaha tonitruant et meurtrier, servant principalement à poser le pivot du film, le sentiment d’oppression. La caméra est placée au plus près des personnages, le montage est ultra-cut (merci Paul Greengrass, ou pas) et le sentiment de vivre l’action au même niveau que la famille bien là. A grand renfort d’effets numériques, les zombies demeurent convaincants, principalement par le sentiment de masse qu’ils représentent.

Alternant avec de larges plans aériens pour que l’on prenne la plein mesure de l’attaque de ces morts-vivants, Forster réussi son pari de mettre d’entrée de jeu les spectateurs dans une position de panique subit, avec pour seule solution celle de suivre Brad Pitt dont l’on sait d’avance qu’il sera le sauveur de cette histoire. Il y a quelque chose de dantesque durant les premier deux-tiers de World War Z, dans cette volonté de livrer un blockbuster impressionnant n’hésitant jamais à jouer la carte du nombre pour attaquer et mettre à mal les plus grandes cités du monde (l’attaque de Jérusalem est à ce titre d’une ampleur sidérante). La contamination est quasi instantanée, la transformation en zombie immédiate, et la croissance du nombre de mort-vivants exponentielle. Relativement simple dans sa construction (on suit Brad Pitt à la recherche de l’origine de la contamination et du cas 0), le film de Forster parvient en usant presque tout le temps des mêmes techniques à tenir en haleine les spectateurs en jouant avec un talent certains il faut le reconnaître des moments de pression extrêmes avec ceux de relâchement. World War Z est un vrai rollercoaster pendant 1h30, un plaisir immense quoi que pas très fin, sans doute éloigné de sa matière de base mais qui offre du divertissement à la pelle avec une générosité salvatrice.

Et c’est bien parce que pendant 1h30 ce blockbuster se révèle très convaincant que l’issue finale du long-métrage aura de quoi déconcerter. Ré-écrite une fois le film terminé, retournée l’année dernière, le finish retenu par la production est simplement incompréhensible car totalement incohérent avec le reste du récit. Et cette erreur de parcours, nous la devons à un nom peu aimé en ces lieux, Damon Lindelof. Oui, encore lui. Après avoir tué toutes les bonnes idées de Prometheus, après avoir torché la fin de Lost, après s’être simplement moqué du monde avec le scénario du nouveau Star Trek, il prouve une encore fois son manque de talent en clôturant World War Z de manière absurde. Alors que le film se veut pendant les 2/3 très vif, très axé sur l’action avec des séquences amples et généreuses, le final opte pour le confinement dans un hôpital, avec des zombies ne répondant plus du tout aux caractéristiques du début du film. D’abord sur-énervés, ils errent dans les couloirs sans que l’on ne comprenne trop pourquoi, un décalage étonnant qui démontre sans mal la reprise du projet en toute fin de course par quelqu’un n’ayant pas participé au reste. Redondante, plate, stéréotypée, et qui plus est construite pour un placement produit ostentatoire pour PEPSI, la conclusion du film de Marc Forster n’a pas grand-chose à voir avec le reste du métrage et demeure l’un des stigmates les plus visibles des problèmes de production qu’a connu le film. En nous laissant sur une explication pas vraiment convaincante, on ressort de la salle avec le désagréable sentiment d’avoir été confronté à une fin imposée et pas du tout celle qui aurait dû exister.

Pour autant World War Z reste un divertissement étonnamment prenant. Doté de nombreuses scènes d’action ultra spectaculaires que l’on suit presque en apnée, le film de Marc Forster réussi son pari d’instaurer une ambiance oppressante qu’il tiendra quasiment sur toute la longueur. On est placardé à son siège, absorbé par les images de dévastation du monde. Jamais vraiment effrayante, cette production à la gloire de Brad Pitt est toutefois atténuée par son final décevant car ré-écrit, et prenant il faut bien le dire les spectateurs pour des imbéciles. Mais en s’affranchissant de cela, nul doute que la première heure et demi vous provoquera des hauts le cœur similaires à ceux d’un bon grand huit. Et rien que pour ça, on valide très fortement !
mcrucq
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le 14 juin 2013

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Mathieu  CRUCQ

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