Lorsqu'Eric Wareheim et Arden Myrin arrivent dans l'appartement d'un homme et aperçoivent le cadavre de son voisin sur la moquette, ils n'en ont rien à foutre: Arden Myrin conseille à l'homme de vite nettoyer sa moquette, elle va ensuite dans la cuisine, ouvre la porte du frigo et mange une mozzarella pas très fraîche. Lorsque Mark Dunham dépose son voisin à moitié mort dans le coffre de son collègue Sunshine (Steve Little), il n'en a rien à foutre, il faut enterrer le corps et ce n'est pas lui qui s'en occupera. Lorsque Ray Wise doit prononcer l'oraison funèbre de son collègue, le pauvre Sunshine (qui s'est suicidé en s'enfonçant une truelle dans le gorge), il n'en a rien à foutre non plus: d'ailleurs, Sunshine doit certainement pourrir en enfer, dit-il. Alors que Ray Wise commence à saluer la mémoire du mort, d'un salut militaire, les yeux tournés vers le ciel, il est interrompu par Rough (le flic incarné par Eric Judor) qui lui explique qu’il n’est pas possible de saluer la mémoire de Sunshine d’une main tendue vers le ciel alors que l’enfer se trouve, logiquement, en bas. Quel geste faudrait-il faire, alors, pour saluer la mémoire de quelqu'un qui croupit en enfer?
Je comprends pourquoi Quentin Dupieux conclut son film sur cette question : elle résume parfaitement l'ineptie de Wrong Cops. Dans la scène que je viens de citer, cette ineptie crée une situation burlesque (Ray Wise ne sait plus ce qu'il doit faire de sa main) qui place le film très haut. Ce niveau n'est pas atteint dans les sketchs précédents, sans doute parce que Dupieux joue trop sur l'esthétique du film Z, privilégiant ce qu’il y a de plus laid (Mark Dunham en slip filmé en contre plongée, la poitrine immonde d’une femme-flic ouverte, comme sur l’affiche), au détriment de tout effort écriture. Le film s’ouvre donc trop tardivement au burlesque pur et ne le fait jaillir, avant le sommet final, que par éclats: lorsqu’Eric Wareheim imite une séance d’aérobic au début ou lorsqu’Eric Judor lève l’index au rythme de ses beats.
Mais ces scènes me suffisent largement parce que j'ai l'impression que l'ambition d'un comique pur a presque disparu du cinéma contemporain: un grand acteur comique comme Ben Stiller s'est perdu récemment dans une comédie sentimentale dont le scénario est aussi inepte que celui Wrong cops, mais qui nous a été vendue sérieusement, avec ce qu'il faut de beaux paysages et de quête personnelle pour "donner du sens". Les paysages, la quête personnelle, l'amour, les demeurés de Wrong Cops n'en ont rien à foutre, ils préfèrent regarder des seins, refourguer des rats bourrés d'herbe, creuser des trous dans leur jardin, composer des beats. Isolés dans leurs bulles, ils n'existent que pour faire rire. Tant mieux.