Ce film est fondamentalement bizarre.


Quand on s'intéresse à la série de films X-Men (de laquelle on exclura gentiment le troisième opus, hein), on se rend quand même compte qu'elle a proposé, avant même qu'on commence à élaborer cette logique fatigante et fatiguée d'univers filmiques, machines médiatiques passablement monstrueuses et possiblement délétères, des films de super-héros qui utilisaient toutes les potentialités du genre. Des drames humains à l'échelle surnaturelle, des héros catalysant des problématiques réelles. Il y a des enjeux narratifs constamment riches, avec cet univers - même si j'ai l'impression que Marvel commence doucement à s'extraire des abîmes de la médiocrité, il faut avouer que leurs films, ce sont pas forcément des blockbusters à haute valeur calorique, des oeuvres thématiques.


Et pourtant, on dirait que ce film veut rejeter cette identité, cette partie fondamentale de son propre mythe, de son propre univers. De vouloir forcer des personnages qui, malgré leurs pouvoirs, sont humains, et pluridimensionnels, dans des petites cases de BD - ou plutôt, dans le canevas typique et assez foireux de ce qu'on considère comme le B-A-BA du film de super-héros. Le divertissement pour le divertissement, c'est une cause noble, et mon côté snob ne s'étend que jusqu'à un certain point, mais là c'est un véritable cancer. Les personnages sont phagocytés par les impératifs d'un scénario aussi pompeux que son antagoniste, à la fois trop simple (méchant très méchant détruire le monde maintenant) et trop complexe (douze mille personnages). Le meilleur exemple, c'est l'ami Magnéto. Pourquoi est-ce qu'on lui colle d'un coup une femme et une fille ? Parce que c'est une progression intéressante pour le personnage ? Un nouveau paradigme scénaristique ? Nopity fuckity nope, c'est parce qu'il lui faut une raison pour rejoindre le camp de Pharaon saveur Myrtille, notre bad guy de la soirée, et que donc il faut bien foutre quelqu'un dans le réfrigérateur. La coïncidence forcée est élevée ici au rang d'art (oh hi Wolverine I didn't know it was you, anyway, how's your sex life ; ou, encore mieux, ce lien de paternité canonique mais qui fait pourtant tellement extrait du colon du scénariste) et elle n'est jamais qu'au service d'un spectacle sans âme puisque sans conséquences. Conseil amical, scénaristes : si une scène donne l'impression que vous vous êtes levé en vous disant "tiens, j'vais détruire le Caire aujourd'hui", réécrivez-la. Y a guère de conflits, guère d'enjeux, et quand le film bascule dans une confrontation à base de rayons laser de toutes les couleurs qui partent dans tous les sens (une constante cette année, puisque le climax de Batman v. Superman était basé sur ce même principe), on en a strictement rien à branler. C'est un film qui donne l'impression d'être parti d'une séance de jeu entre le réal et son fils de quatre ans autour d'un paquet de figurines, et qui a un peu près le même impact dramatique : on n'a pas à vivre avec le poids de l'histoire, et d'évènements douloureux, on peut juste faire péter Auschwitz d'un claquement de doigts.
Note - je sais pas combien a été payé le pauvre Oscar Isaac, mais nom de dieu quel rôle ingrat. Des plateaux des Coen au "purple schtroumpf with dreadlocks club". Triste. En plus son regard crie "ça y est, je peux retourner sur le tournage de Star Wars VIII maintenant ?".


Mais pourtant, et c'est peut-être le pire, le film aurait pu être bon. Parce que Singer tient une caméra un peu près correctement, et se permet quelques audaces visuelles intéressantes, comme le générique de début (après, faut mettre l'accent sur QUELQUES). Mais aussi parce que ses bases sont saines.


Parce que voir ces jeunes personnages, joués par un aréopage des meilleurs jeunes talents d'Hollywood, découvrir leur pouvoirs et se découvrir eux-mêmes, c'était passionnant il y a quinze ans, et que ça l'est toujours. Parce que leurs interactions sont naturelles, bien pensées, intéressantes. Parce qu'ils sont drôles. Parce que ça fait du bien de voir que la carrière de Sophie Turner prend son envol. Parce que j'ai eu envie de m'acheter une peluche Diablo après la séance tellement il est trop choupi sa race (et qu'il confirme que Kodi Smit-McPhee a vraiment un parcours de malade, entre ça, "La Route", "Le Congrès" d'Ari Folman, à même pas vingt balais). Parce que ça fair du bien de voir Evan Peters dans quelque chose qui n'est pas écrit par Ryan Murphy. Parce que cet univers est fascinant, et qu'il mérite mieux que d'être utilisé dans une mécanique vue et revue, dans une bouillie grand public au sens le plus bas du terme.


Pitié, prenez ces acteurs, et faites une série avec des ambitions plus modestes, ce sera beaucoup mieux.
... Quoi, pardon ? "Legion"? C'est quoi ?
Oh. THE HYPE IS COMING.



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Ceci est une phrase post-crédits. Elle ne sert à rien.

EustaciusBingley
2

Créée

le 11 juin 2016

Critique lue 280 fois

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