Your Name.
7.6
Your Name.

Long-métrage d'animation de Makoto Shinkai (2016)

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.


(Spoilers)


Je t’aime. Je te connais mieux que quiconque. Tu es moi, et je suis toi. Nous sommes une entité. Notre relation n’a pas de frontières. Elle dérive au-delà du temps et de l’espace. Elle ne s’arrête pas à des considérations telles que la vie ou la mort. Regardes le ciel étoilé. Ouvre la main. Je t’aime…
Qui es-tu ? Quel est ton nom ? Quel est ce vide en moi…


La semaine dernière, j’ai découvert Your Name. Je lui ai attribué la note de 9. Hier soir, sans raison particulière, j’y ai repensé, j’ai eu envie de le revoir. Je voulais me replonger dedans, et surtout justifier ma note… Je n’ai pas réussi. Je vais tâcher dans ces quelques lignes d’expliquer pourquoi cet anime mérite plutôt un 10, que je n’ai pas même donné aux long-métrages japonais m’ayant marqué auparavant, tels que Princesse Mononoke, le Tombeau des Lucioles et Ame et Yuki.


Si je devais résumer les vertus qui font de Your Name un grand film, je parlerais de son scénario envoutant, de ses personnages attachants, de sa mise en scène bien rythmée, de ses dessins à couper le souffle et de sa musique toujours parfaitement choisie. Ces qualités expliquent à elles-seules le succès retentissant de l’anime de Makoto Shinkai à travers le monde. Seulement, selon moi, ce qui différencie Your Name d’un grand film et en fait un chef d’œuvre, c’est que les qualités susnommées ne sont pas juste mises côte à côte, mais sont assemblées afin de porter le propos du film, une idée fondée sur l’union de deux thèmes : l’amour impossible, sujet cher au réalisateur, et la boucle temporelle, un des thèmes de fiction que je trouve les plus fascinants.


Au début du film, on assiste à un générique sur fond de musique pop. Une fille, Mitsuha, un garçon, Taki. Elle vit à la campagne, il vit en ville. On craint alors que ce ne soit qu’une simple teen romance, tournant autour d’une liaison entre deux personnages que tout oppose. Seulement, l’ambiance est tout de suite particulière et chaleureuse, et on partage l’incompréhension des personnages face aux bouleversements qu’ils rencontrent dans leur vie.


Durant le premier tiers du film, on découvrira en même temps que les protagonistes le fonctionnement de l’échange de leurs corps, qui se produit de 2 à trois fois par semaine. On assistera aux prémices et à l’évolution de leur relation, à cet incessant je t’aime – moi non plus. On croit alors deviner comment va se poursuivre le film, car jusqu’ici il est sans surprise, un simple divertissement dans lequel la plupart des gens trouveraient leur compte.


Seulement, un événement va mettre fin à la première partie du film : soudainement, sans raison apparente, les deux adolescents n’échangent plus leurs corps. Taki va alors décider de battre la campagne pour retrouver Mitsuha. Il découvrira finalement que celle-ci est morte dans la chute d’une météorite ayant détruit son village… IL Y A 3 ANS. Et là, Your Name prend une tournure beaucoup plus intéressante, car il intègre l’idée de trames temporelles différentes. Le problème c’est que ce genre de notion est souvent casse-gueule dans un film… Alors on s’inquiète. Et pourtant on a tort, car le scénario et la réalisation seront maîtrisés, clairs et logiques jusqu’à la fin.


Les messages que Mitsuha avait laissé sur le téléphone de Taki lors de l’échange de leurs corps disparaissent subitement, et les souvenirs commencent à s’estomper de sa mémoire. La réalité se déforme à cause de ce que vient d’apprendre le jeune homme. En effet, si elle est décédée 3 ans plus tôt, elle ne peut avoir partagé ces messages et ces moments avec lui dans cette réalité.


Le jeune homme va tout de même se rappeler du sanctuaire de la famille de Mitsuha, où il s’était rendu sous son apparence. Il va donc s’y rendre en dernier recours, et boire le kuchikammizake, un saké sacré conçu par l’adolescente et censé représenter la moitié d’elle. S’en suit une scène psychédélique durant laquelle Taki voit défiler la vie de Mitsuha dans les méandres du temps, pour finalement se retrouver dans le corps de la jeune fille le matin avant la chute de la météorite.


On assiste alors à une scène essentielle durant laquelle Taki se souvient que Mitsuha avait cherché à lui rendre visite en allant à Tokyo. Seulement, quand elle l’a finalement retrouvé dans un train, il n’a pas pu la reconnaitre, car pour lui cela se passait 3 ans avant leur rencontre. Avant de le quitter, elle lui a quand même donné son nom ainsi que le ruban qu’elle portait autour de ses cheveux, et qu’il arbore à son poignet depuis ce jour, sans se rappeler d’où il provient. Ce ruban est selon moi l’objet qui lie les 2 protagonistes et les réunit dans une boucle temporelle.


On arrive ensuite à la scène qui est, à mon avis, la plus puissante émotionnellement du film. Mitsuha et Taki se retrouvent tous les deux près du sanctuaire, à 3 ans d’intervalle. Ils sentent la présence l’un de l’autre sans pouvoir s’apercevoir, jusqu’à ce que le crépuscule arrive. Et dans ce moment suspendu au-delà du temps, entre le jour et la nuit, ils peuvent enfin se retrouver. C’est très touchant, car on sait que cette rencontre est réelle sans vraiment l’être, et qu’elle ne durera pas longtemps. De plus, pas de phrases toutes faites ni de romantisme, ils se parlent en toute simplicité, comme ils l’ont toujours fait. Taki propose qu’ils écrivent leur nom dans la main de l’autre pour ne pas s’oublier, mais Mitsuha n’en a pas le temps. Aucun des deux ne se souviendra des événements passés, car en guise de paraphe, le jeune homme n’a inscrit dans la main de sa bienaimée qu’un « Je t’aime ». Et ça, ça fait mouche à tous les coups dans nos petits cœurs de cinéphiles.


5 ans plus tard, Taki est un jeune homme qui cherche à se lancer dans la vie active comme tout le monde. On apprend que la chute de la comète n’a fait aucune victime, présumant que Mitsuha a réussi à sauver tout le monde grâce à l’avertissement de Taki. Ce dernier ne vit pas pleinement sa vie. Il ne peut se défaire de cette sensation qu’il lui manque quelque chose ou quelqu’un. On se rend finalement compte que Mitsuha vit maintenant à Tokyo.


Lors de plusieurs scènes, les protagonistes sont tout proches l’un de l’autre mais ne se voient pas. On craint alors que le film se finisse comme ça, nous laissant aussi dévastés et vides que les personnages. Mais leurs regards finissent par se croiser dans le train. Ils parviennent à se retrouver dans une ruelle, et après s’être croisés, se retournent, s’interpellent, et tout en fondant en larmes, demandent à l’autre : « quel est ton nom ? ».


Your Name est donc un film magnifique, entre drame et romance. Il est abouti et exempt de défauts, et je ne lui trouve même pas ce côté gnangnan que certains lui reprochent. Le scénario est impeccable, la mise en scène parfaitement rythmée. Les personnages au demeurant quelconques s’avèrent finalement très profonds. Les dessins sont incroyables de précision et de caractère, que ce soit pour retranscrire l’illustre ville de Tokyo ou la campagne plus intimiste. Et enfin, la musique nous touche parfois avec une mélodie au piano, et nous emporte à d’autres moments avec les sonorités pop du groupe Radwimps.


Mais ce qui est le plus captivant dans le film, ce qui fait qu’il nous marque et ne peut sortir de notre esprit, c’est cette idée de boucle temporelle, un cercle qui s’écarte de la ligne tracée par le temps, et où Taki va éternellement sauver la vie de Mitsuha. C’est l’idée que les événements du passé et du présent ont une influence et sont dépendants les uns des autres. Si Mitsuha ne donne pas son ruban et son nom à Taki 3 ans avant l’histoire, celle-ci ne peut pas se déclencher par la suite (toujours selon ma théorie) ; mais si les personnages ne se rencontrent pas dans le présent en échangeant leurs corps, la jeune fille ne viendra jamais retrouver Taki à Tokyo, et il ne recevra pas ce ruban qui est à l’origine de leur lien. Cette notion d’événements qui ont besoin de se répéter à l’infini dans une trame temporelle isolée pour que Mitsuha soit sauvée est à la fois fascinante et renversante. (Pour ceux que ça intéresse, on retrouve ce thème dans le premier jeu de la série japonaise Zero Escape, également de façon très significative dans la 3ème saison de la série Misfits).


Voilà pourquoi Your Name mérite selon moi la note de 10.


Merci Monsieur Shinkai de ne pas vous être perdu dans les méandres de votre histoire, et à bientôt j’espère. Paul.


PS : Analyse de la boucle temporelle dont je parle. Imaginons que le temps est représenté par une ligne, et que durant l’échange de corps, Mitsuha est en l’an 0 et Taki en l’an 3. A la fin de l’échange Mitsuha meurt (an 0), et Taki parvient à revenir un moment plus tôt pour change le cours des choses et la sauver. Les trois années de la vie de Mitsuha s’écoulent d’une façon qu’on ne connait pas, et ensuite 5 ans passent jusqu’aux retrouvailles des personnages. La ligne du temps est continue. Jusque-là tout va bien.


Ce qui entraîne une distorsion de la ligne temporelle, c’est que quand Mitsuha se rend à Tokyo, elle rencontre le Taki de l’an 0. Le fait qu’elle lui donne le ruban est déterminant puisque c’est un lien physique qui traverse les époques. 3 ans passent pour Taki, et nous revoilà à la rencontre et au début des échanges de corps des 2 personnages. Par la suite, Mitsuha ira à Tokyo pour rencontrer Taki, et… vous connaissez la suite. Cet évènement se répète à l’infini dans un cercle attenant à la ligne du temps, créant une boucle qui unira éternellement nos deux protagonistes. Voilà, j’espère avoir été clair.

pouloulabiche
10
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le 14 mars 2018

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2 j'aime

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