Youth est un film sensible et calme. On a l'occasion de partager les vacances de deux illustres artistes octogénaires. Un réalisateur de renom en train d'écrire son film d'adieu, joué par ce bon vieux Harvey Keitel et un compositeur à la retraite sous les traits du légendaire Michael Caine. Une ambiance assez sereine se dégage de cet espace de ressourcement dans lequel se passe quasiment l'ensemble du film, un hôtel de montagne en Europe doté d'installations thermales dernier cris où l'on a l'occasion d'observer de nombreux corps reposants leurs douleurs dans des sources chaudes. C'est en ce lieu et au travers des interventions extérieurs que la sérénité des deux comparses va être perturbée. Ces deux là obéissant à un accord tacite les empêchant de discuter de choses désagréables. Cependant, ils en arrivent vite à opposer leurs points de vue à propos de l'art et de la mémoire.


Le compositeur joué par Michael Caine se disant apathique, et ne désirant pas jouer pour la reine d’Angleterre sous un prétexte inconnu, en opposition au réalisateur joué par Harvey Keitel qui désire écrire un film testamentaire retentissant avec sa petite équipe de jeunes auteurs transgressifs. On ressent donc une certaine soif de vie de la part de ce dernier qui contraste avec l'absence de motivation du compositeur. Au travers de leurs promenades filmées avec sensibilité au moyen de plans larges et de lents dé-zooms, Ils en arrivent ainsi à des réflexions sur la mémoire, le souvenir, la force d'une oeuvre, et ce pourquoi on se souvient de l'artiste. Finalement, on finit par oublier les choses qui constituent le quotidien. Le compositeur rappelle ainsi qu'il ne se souvient même plus du visage de ses proches en détail. Il sera rappelé à l'ordre par sa fille, venue lui rendre visite pour le raisonner et le convaincre de rejoindre l'orchestre.


Et ce pendant que le réalisateur s'oriente sur le nouveau et renie toutes ses œuvres précédentes comme le personnage de Marcello Mastroianni dans Huit et demi. Tout en recevant les conseils d'un jeune acteur prodige s'entraînant pour un rôle. Aux cours de quelques conversations autour des spectacles intimistes du soir à l’hôtel, qui vont des chansons pop full-band 60's sur plaque tournante à une fille qui fait des bulles géantes. Ces deux là en apprendront autant l'un sur l'autre et s'aideront à porter un regard critique sur leur état d'esprit à propos de l'art.


Le film est magnifiquement cadré avec de nombreux plans larges sur les bassins ou la montagne à l’extérieur. Arrivant à rendre à la fois accueillant et froid ces lieux où les personnages apprécient leurs vacances. Youth, c'est également une certaine sensualité avec la répétition de scènes au ralentis accompagnés de travellings et de lents zoom avec une lumière naturelle toujours superbe et quelques plans en intérieur qui pourraient passer pour des photos Art Déco. Une fille jouant à Just Dance, un massage calme, ou encore une miss univers entrant dans un jacuzzi.


Petit à petit, le récit se déplie et c'est une histoire avec plusieurs artistes qui réalisent que la beauté est parfois dans l'instant, la grâce. La partition, principalement composée de musiques orchestrales nous élève et accompagne les temps forts des dialogues avec une grande maîtrise. Youth nous rappelle qu'il n'est peut être pas toujours trop tard pour s'améliorer. Ces deux octogénaires en fin de vie, amis depuis 60 ans nous emmènent donc vers une introspection sereine, avec quelques critiques sur le monde du cinéma, une réflexion sur le sens de l'art et un final musical éblouissant.

Créée

le 31 janv. 2018

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