En 2014, le public français aura par deux fois l'occasion de découvrir la tumultueuse vie du grand couturier Yves-Mathieu-Saint-Laurent sur les écrans de cinéma.
Deux visions, deux Saint-Laurent... au spectateur de faire son choix.

Ce qui est certain c'est que le film de Jalil Lespert, sorti ce mercredi dans les salles de cinéma bénéficie des faveurs de Pierre Bergé alors que le Saint-Laurent de Bertrand Bonnelo (avec Gaspard Ulliel dans la peau du couturier) est quelque peu renié et ne sera présenté qu'à l'automne.
Le biopic Yves Saint-Laurent se concentre sur la relation amoureuse et professionnelle qui lie Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé.
Le film commence sur les débuts d'Yves alors seulement âgé de 21 ans. Travaillant pour la maison Christian Dior, il se voit propulsé à la mort de ce dernier à la tête de la direction artistique. Talentueux et travailleur il crée les robes Dior et obtient une large reconnaissance...qu'il perd malheureusement très vite lorsqu'il est contraint de séjourner en hôpital psychiatrique suite à une grosse dépression alors qu'il devait partir combattre en Algérie, son pays d'origine.

Lorsqu'il est de nouveau prêt à créer des robes pour les femmes à qui il voue une admiration sans borne, le tout Paris l'a oublié. Pierre Bergé, souhaitant plus que tout voir son amant heureux, l'aide alors à monter la maison Yves Saint-Laurent, dont la première collection est présentée symboliquement l'année de la fin de la guerre d'Algérie.

Yves Saint-Laurent renoue avec un succès qui ne le lâchera plus mais reste toujours hanté par des démons qui vont l'entraîner dans la débauche et dans la destruction et ce malgré l'amour et l'aide de Pierre Bergé.
Cette vision du génie tourmenté n'est pas nouvelle, les plus grands artistes ont souvent un côté extrêmement dépressif et ont malheureusement une soif d'auto-destruction.

Mais, dans le film de Jalil Lespert ce tourment a quelque chose de réellement touchant, cela est surtout dû à l'énorme travail d’interprétation de Pierre Niney, totalement investi dans son rôle. Il surpasse le côté agaçant qu'aurait pu avoir le personnage pour se concentrer sur l'essentiel : un artiste blessé par une enfance douloureuse à Oran. Car, même lorsqu'il est reconnu par le monde entier pour son talent, Yves Saint-Laurent ne parvient pas à assumer clairement qui il est et surtout ce qu'il veut (une vie rangée aux côté de Pierre Bergé son amant de toujours ou du sexe et de la drogue facile dans les boîtes glauques parisiennes...).
Le réalisateur montre alors certaines facettes sombres du couple (ces séquences étant probablement contrôlées par Pierre Bergé lui-même puisqu'il a eu un droit de regard sur le film) qui nous questionnent sur la vision de l'homosexualité à l'époque et c'est ce qui est le plus intéressant.
Un peu caricatural en début de film, le couple Niney / Gallienne trouve son équilibre lorsque le danger apparaît, l'émotion nait dans le regard de Pierre Bergé (Guillaume Gallienne) quand la détresse d'Yves Saint-Laurent ne peut plus être contrôlée...
Et la mode dans tout ça ? Les défilés ?

Malheureusement, tout ce pan de l'histoire est un peu sous-exploitée, l'insolence d'Yves Saint-Laurent, ses grandes audaces en matière de mode (le smoking féminin, le trench-coat, les vêtements transparents...), sont passées presque sous silence et le film n'offre que des séquences un peu grossières mettant peu en valeur l'aspect révolutionnaire de son travail. Ces moments, dont l'esthétisme est somme tout relevé par la présence de vraies robes prêtées par Pierre Bergé, balisent néanmoins la narration et enferment le film dans les codes peu originaux voulus par le genre du biopic.

Il semblerait que Jalil Lespert se perde par moment dans son sujet, ne sachant pas bien où aller et accumulant alors les facilités narratives pour s'assurer un produit final joli et plaisant au plus grand nombre. Cela donne alors la voix-off de Pierre Bergé, légèrement ennuyeuse et qui court durant tout le film mais qui permet au réalisateur d'effectuer de grand sauts dans le temps. Cela explique également le peu d'égards qu'a Jalil Lespert pour ses personnages secondaires (Victoire, interprétée par la belle Charlotte Le Bon disparaît alors qu'elle apparaissait comme une figure majeure de l'histoire d'Yves Saint-Laurent...). Le tout reste donc un peu trop lisse, et cela est d'autant plus dommage que lorsqu'il s'enfonce dans la noirceur de son personnage principal, le film trouve un regain d'intérêt et exploite réellement la beauté de la relation à la vie à la mort des deux hommes.

Yves Saint-Laurent, est un film grand public qui plaira tant aux amateurs de mode qui revivront grâce aux quelques séquences de défilés les grands moments de la carrière du couturier qu'aux néophytes.
Saluons la performance des deux nouveaux prodiges de la Comédie Française, Pierre Niney et Guillaume Gallienne qui portent cette histoire et offrent de beaux moments d'émotion. Heureusement, sinon le film aurait pu paraître un peu fade.
SarahLehu
7
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le 17 janv. 2014

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Sarah Lehu

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