Zazie dans le métro est à la cinémathèque française, ce que le mot QI est au scrabble©. Valide pour : « Qi a fait ça ? », mais inclassable. Une originalité. Un crapaud. Les deux. On a beau ne pas savoir ce qu’il veut nous dire, force est de constater que le cinéma a changé, et la façon de filmer avec lui. Si La Nouvelle Vague faisait office d’Art Moderne, là on plonge vers l’Art Contemporain, qui ne regarde rien d’autre que lui-même, et qui n’est concerné que par le jeu avec les codes, et tourner les codes du cinéma en bourrique. Accessoirement, le spectateur lui aussi est sorti de sa zone de confort, mais ça reste mangeable. C’est une comédie. Heureusement. Se serait immangeable, trop intello, sinon. C’est drôle au début, mais n’évolue pas vers une histoire, ou un pamphlet, une dénonciation quelconque. C’est une expérimentation libre. Une réflexion sur le médium cinéma, divertissement et art à la fois. Trucages enfantins, accélérations, freinage, gag niveau Benny Hill (désolé, c’est le seul qui me vient en tête), course-poursuites, et chassé-croisé dans Paris. Le rythme est élastique. Et ça se démultiplie jusqu’à l’overdose. 

Soit on accepte de rentrer dedans, et on se perd avec bonheur, soit on reste dehors, et la porte du métro reste fermé. Quel métro, au fait ? Zazie, pré-ado espiègle, s’amuse à jouer des tours aux adultes. Son oncle, c’est un « étonnant» Philipe Noiret, marié à une femme-potiche-muette-ménagère. Et le reste est inracontable. On a laissé la caméra entre les mains d’un enfant doué, joueur, et il s’est amusé comme un fou. Il s’est baladé dans la ville, à la rencontre de tout et de rien. Cela ressemble à une après-midi récréative. Les frontières sont abattues, le cinéma redevient un spectacle de foire, et on comprend à nouveau l’importance du design sonore. Il est impérial dans ce film. Il rend le jeu un peu plus aérien, abstrait, ludique, « moderne », un canon de voix stéréophoniques, une matière à étrangeté.


On ne peut que retenir, et je retiens, cette virée à la tour Eiffel. Jamais elle n’a été filmée de façon aussi drôle, de l’intérieur, sans respect. Et jamais je n’aurais imaginé Noiret cascadeur, (?) Ou acrobate ( ?) Ou danseur de cabaret ( ?) C’est irrespectueux pour drôle. Les dialogues de Queneau apportent un supplément de charme, ouvrent la fenêtre du : mi-fantaisie, mi-sérieux. Un mélange décapant. Le fait qu’aucun des personnages n’est d’épaisseur psychologique, appui le côté film de genre, hors genre. Le gars moustachu devient, vendeur de pantalon, policier, voire chef de milice faciste ( ?) La guerre n’est pas loin, faut pas l’oublier, et le film a beau se réclamer de l’art (pour l’art) il n’en est pas moins héritier d’un contexte précis. L’après-guerre, et le nouveau cinéma. Evidemment avec ce genre de projet très borderline, on ne peut pas faire école, on fait une œuvre à part entière, avec ses qualités et ses défauts. Un cadavre exquis cinématique. Sauf qu’il finit par être long. J’ai finit par trouver le temps long. Les plaisanteries les plus courtes étant…


Aller au bout demandera plus que la passive attention du spectateur lambda. J’ai fait l’effort. La femme au foyer-potiche se transforme en poupée mécanique, Paris devient un grand 8. +∞ -∞ ;
De toute façon on était prévenus dès le départ. Ça va être le bordel. Dès le générique. On est dans un train normal, on voit défiler des rails normaux, on est dans une banlieue normale, moderne, continentale. Et pourtant on entend une musique de …western, non ?

Angie_Eklespri
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le 30 mars 2016

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