Présenté par pléthore de journaux comme un véritable bijou, à la frontière entre Drive et Taxi Driver (tout ça bien évidemment écrit en GROS sur l'affiche du film, placardée sans honte sur toutes les colonnes Morris du pays....ça sent déjà l'embrouille, non?). Une très bonne direction d'acteur, de jolis plans, un grain un peu brumeux pas déplaisant. En vain. Le train reste en gare.


En effet, ce trop plein d'informations sur l'affiche d'un film se joue souvent à quitte ou double. Je viens de vous introduire le contre-exemple, prenons maintenant l'exemple à suivre: Moonlight. Qui ne badine pas avec les éloges, et qui pourtant se révèle être un chef d'oeuvre sur bien plus d'aspects que ce Beautiful Day, gris et froid sans être glaçant, parfois même tiède.


Alors pourquoi prendre le risque d'être faussement guidé par la publicité et débourser 12 balles pour être déçu? Pourquoi diable ne renonces-tu pas, Antoine, à payer pour un film siglé Cannes et qui dure 1h30?
Et bien pour Joaquin Phoenix, essentiellement. Il est excellent, encore plus depuis son rôle dans Her, où l'on découvre un acteur plus profond, charnu et surtout plus lucide sur ce qu'il joue. Et pour cette fois, Cannes a vu juste en le récompensant.


La lente descente aux enfers de Joe, un vétéran totalement marteau qui propose ses services clé en main de tueur pour débarrasser les indésirables de la surface, 100 coups férir, ou presque.


Là, c'est la fille d'un sénateur qui disparait. Lynne Ramsay, as de la mise en scène (je vous conseille l'excellent We Need To Talk About Kevin, où l'on ressent toute la sauvagerie humaine bien plus efficacement qu'ici), parvient à ombrer davantage l'action, pourtant déjà pas très gaie.
Mais là, problème. Après 30 bonnes minutes d'introductions en tous genres, une question me traverse: est-ce qu'on se fouterait pas un peu de notre gueule là? Prix du meilleur scénario à Cannes pour ça? Sûrement des aficionados de Bryan Mills, qui vous cherchera, vous trouvera et vous tuera. Ce qu'en gros, sans trop dévoiler l'intrigue, Joaquin se tue à faire pendant 1h30. Ou plutôt pendant 20 minutes, le reste du film étant plutôt destiné à mettre en lumière les démons qui hantent le personnage principal, dans un exercice de style réussi, mais sans la moindre intelligence fondamentale. Mention très bien néanmoins pour la musique, minimal, parfois acide et à la finale aux notes lyriques. Ça ajoute de la matière et appuie la présence incroyable de Joaquin Phoenix, barbe hirsute et cicatrices apparentes, pour un rendu qui sur ce point est un franc succès.
La violence est quasiment toujours hors champ dans A Beautiful Day. C'est un parti prit, mais là encore, quel intérêt de nous vendre un thriller sanglant à la Drive pour nous servir in fine du plan fixe couloir quand il s'agirait de nous en mettre plein la vue?
Cette violence suggérée fonctionne dans We Need To Talk About Kevin, car l'horreur est avant tout psychologique. Ici, la violence est primitive, elle nous regarde fixement, mais nous, nous restons simplement dans le couloir, penauds et frustrés.


Lynne Ramsay tente vainement de nous livrer du brut, mais le fait dans un souci d'esthétisme qui contraste avec l'essence même de l'histoire. Et pourtant, là était tout le but du film: faire du beau avec du sale. Magnifier un scénario maigre comme un clou, le marteler pour le rendre inoubliable.
Désolé d'enfoncer la dernière porte de cette critique (déjà bien ouverte), mais on ne s'improvise pas Scorsese sans se salir les mains...

Antoine_Mntlt
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le 29 nov. 2017

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Antoine Mntlt

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