Long moment de bascule

Berlin, années 1980. Ou peut-être faudrait-il préciser Berlin Est? Embauché malgré lui au Ministère du Renseignement, Franz, qui se destine à être un professeur, prend peu à peu conscience des tenants et aboutissants de son nouvel emploi: travailler à faire tomber un joueur de foot parti à l'Ouest. Un choix de carrière qui relèverait de la plus haute trahison...

Pourtant un thème classique vu et revu dans le cinéma allemand, "Nahschuss" est un drame psychologique et historique prenant, qui éclaire d'une lumière crue, subtile et juste la réalité sombre du régime de RDA. Il est d'autant plus poignant qu'il retrace en fait la vie du dernier condamné à mort de RDA.

Une lumière crue d'abord, à l'image du personnage principal, Franz, un homme lambda, ordinaire, pas franchement attirant. Lars Eidinger, remarquable dans ce rôle, dégage une humanité banale et puissante qui rend le propos percutant. Le moment de bascule est subtil : il y a l'illusion - l'appart', l'argent, les nouveaux amis, la reconnaissance -; puis la déconvenue jusqu'au dégoût de soi.

Malgré tout le contexte historique paralysant, le film reste dans la justesse, par exemple dans la manière qu'il a de montrer l'escapade dans Berlin Ouest, avec liberté et abondance qui cohabitent avec pauvreté et opulence.

La dimension psychologique donne lieu à des scènes d'une grande intensité - comme les aveux désespérés sur fond de musique, tentative ultime d'outrepasser la mise sur écoute et de parler vrai -. Un film intense, comme une course-poursuite nous faisant passer par des moments de clarté, folie, désespoir, amour.