La Famille Amato contre le reste du monde

Le synopsis était intéressant en mettant en scène un adolescent voulant grandir trop vite, buvant, fumant et arnaquant son prochain. Comme cela se déroule en Italie, je fais dans ma tête un raccourci trop rapide avec la mafia, sauf que le héros Pio est un gitan, ce qui change un peu la donne. C'est surprenant, passionnant mais abuse de divers artifices visuels et sonores gâchant un peu le portrait de ce jeune homme en mal de reconnaissance familial.


Pio (Pio Amato) vit à Gioia Tauro, une ville du sud de l'Italie. C'est un gitan vivant avec sa communauté dans un immense dépotoir à ciel ouvert. Ils subviennent à leurs besoins grâce au vol de voitures. Ce sont les gadjos qui se servent d'eux pour faire ce sale boulot. C'est la seule voie qu'ils connaissent, vivre de vols et de petites combines pour survivre. Les enfants ne sont pas scolarisés et veulent faire comme les grands. A l'image de Pio, continuellement dans les pas de son grand frère Cosimo (Daminao Amato). L'arrestation de ce dernier et de leur père, va faire de lui le chef de famille. Du moins, il se comporte comme tel malgré les remontrances de sa mère. Il va devoir faire ses preuves pour être considéré comme un adulte par ses aînés.


Dès les premières minutes du film, cela me faisait penser au morceau de IAM "Petit Frère", dont voici un extrait résumant parfaitement la vie et l'état d'esprit de Pio :


A treize ans il aime déjà l'argent,
Avide mais ses poches sont arides,
Alors on fait le caïd dans des boums,
Qui sont désormais des soirées, plus de sirop Teisseire,
Petit frère veut des bières, je ne crois pas que c'était volontaire,
Indirectement a montré que faire le mal, c'est bien.


Le réalisateur Jonas Carpignano dresse le portrait brut d'un enfant et de sa communauté. C'est caméra à l'épaule qu'il va suivre les déambulations de Pio. Ce style documentaire n'est pas anodin. La famille Amato joue son propre rôle, ce qui rend ténue la ligne entre la fiction et la réalité. Cette mise en scène est parfois agaçante, comme la musique pop et house avec le volume à fond pour bien nous conditionner. Le summum est atteint après la sublime scène finale, avec un morceau susceptible de sortir une personne du coma, voir de réveiller un mort, ce qui est moins enthousiasmant. Heureusement, c'est lors du générique de fin et exceptionnellement, je vais faire l'impasse pour sauvegarder le bien-être de mes délicats tympans.


La vie est bouillonnante au sein de cette communauté. Les rapports sont violents dans les mots et gestes. Ils sont dans l'émotion et l'excès. L'absence de scolarisation et donc d'éducation limitent leurs échanges. Les garçons sont analphabètes, au contraire des filles et pourtant ce sont eux qui sont en position de dominant. La force prime sur l'intellect. L'homme est le maître de lieux. Les femmes restent dans l'ombre, s'affairant à la cuisine ou dans les ruelles obscures et malfamées, à vendre leurs corps. Il ne semble pas y avoir d'échappatoires. Ils sont tellement renfermés sur eux, que la consanguinité est pour eux la normalité. C'est une culture différente et comme le dira le grand-père à son petit-fils Pio "C'est nous contre le reste du monde". La famille avant tout, même face à la bienveillance de Ayava (Koudous Seihun), un sans-papier burkinabé venu en Italie pour rendre la vie des siens restés au pays, meilleure. Mais le racisme est ancré dans leurs mœurs. Ils ne cessent de rappeler leurs dégoûts face aux noirs, en les traitant d'animaux. Cela crée le malaise lors de leur repas de famille. Pourtant, on s'attache à eux mais sans pour autant excuser leur ignorance. Ils ne font que reproduire ce dont ils sont victimes et c'est triste à voir et à entendre.


A Ciambra est un tourbillon inégal. C'est parfois long et répétitif, mais c'est aussi lumineux grâce à l'interprétation de Pio Amato qui est aussi attachant que les enfants qui l'entourent.

easy2fly
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le 26 sept. 2017

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Laurent Doe

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