Tom Stall coule des jours heureux, entouré de sa famille aimante, dans une petite bourgade de la Nouvelle Angleterre. Il est le gérant du café-restaurant de la ville, dont tous les habitants sont des clients plus ou moins réguliers, ce qui lui vaut la sympathie de tous. Au sein de la coquette maison familiale en bordure de la ville il retrouve sa femme, bonne ménagère est toujours prête à satisfaire les moindres désirs de son époux, l'adorable petite tête blonde qui a encore peur du croquemitaine, et le fiston, looser pas magnifique qui se fait martyriser par le quaterback qui fait craquer toutes les filles du lycée.
Oui, on nage en plein cliché du rêve américain, excepté pour le pauvre fiston. Un cliché à la manière de David Lynch ou Stephen King. Il y a forcément un truc qui va merder quelque part. Et en effet ces clichés que Tom Stall s'est efforcé de reproduire vont soudainement être mis à mal par l'arrivée en ville d'un mafieux du nom de Carl Fogarty (superbement joué par Ed Harris), qui a reconnu la jolie bouille de Tommy à la télévision.
Fini la vie paisible, ce mafieux va mener une guerre psychologique contre Tom Stall et sa famille pour obtenir ce qu'il veut. Ed Harris parvient à lui seul à faire peser une tension insoutenable qui contraste avec la légèreté des premières minutes. C'est également la passage du calme à la violence. Le parfait pater familias va devoir jouer des poings pour ne pas voir tout son monde s'effondrer. Pour ses proches, ainsi que pour le spectateur, il est désormais méconnaissable, Viggo Mortensen est d'ailleurs parfait dans ce rôle.
Cette idée de violence qui surgit subitement dans la vie de Tom Stall est magnifiquement mis en scène par Cronenberg qui s'en est fait une spécialité. Pendant les quelques scènes d'action la réalisation devient soudainement ultra dynamique, avec un enchainement très rapide de plans, dont certain sont époustouflants. La musique de monsieur Howard Shore est aussi utilement mis au service de cette mise en scène, les mélodies légères étant progressivement remplacées par des sortes de marches funèbres.
Le déclic qui poussera le brave de Tom Stall à sortir de son pacifisme borné c'est la fascination qu'éprouve son fils à l'égard de Carl Fogarty, qui se comportera comme un père pour lui. Le gamin utilisera ses méthodes mafieuses pour se venger de ses tortionnaires. On le savait déjà, le côté obscur de la force est attrayant. Au fil de l'histoire on voit tous les personnages basculer à leur façon dans ce côté obscur. C'est d'ailleurs ce combat intérieur qui est représenté sur la très belle affiche officielle du film, avec un Viggo Mortensen entre ombre et lumière.
Et que dire du final quasi apocalyptique, vers lequel le film nous conduit inexorablement. Pas de création sans destruction, il fallait au moins l'apocalypse pour que Tom Stall reconstruise sa vie là où il l'avait laissé ce jour fatidique où Carl Fogarty y a fait irruption.