Lorsqu’un film choisit de mêler comédie romantique et drame existentiel autour de la maladie et de la mort, il s’engage sur un terrain délicat, où la justesse du ton est non seulement souhaitable, mais essentielle. A Little Bit of Heaven, réalisé par Nicole Kassell en 2011, semblait vouloir relever ce défi ambitieux. Malheureusement, loin de livrer une œuvre émouvante ou inspirante, le film s’enlise dans une superficialité affligeante, accumulant faux-semblants émotionnels, personnages inconsistants et traitement narratif indigent. Ma note de 1/10 n’est pas dictée par une simple déception, mais par un constat sévère : ce film échoue presque entièrement à atteindre l’authenticité et la puissance émotionnelle que son sujet exigeait.
Dès les premières scènes, A Little Bit of Heaven installe un ton qui déroute. Ce qui aurait pu être un équilibre délicat entre humour salvateur et gravité existentielle se transforme en une série de situations factices, où la légèreté devient insensibilité, et où la gravité s’efface derrière une mécanique narrative paresseuse.
L’humour, omniprésent, n'est jamais véritablement au service d'une catharsis, mais semble plutôt nier la profondeur émotionnelle de la situation. Le spectateur se retrouve ainsi déconnecté, incapable de partager les états d’âme du personnage principal, tant l’invraisemblance des dialogues et l'artificialité des situations défont tout lien empathique possible. Cette inadéquation entre sujet et ton traduit une incompréhension fondamentale du potentiel émotionnel de l'histoire que le film prétend raconter.
Le manque d’authenticité émotionnelle est aggravé par la pauvreté de la caractérisation des personnages. Marley (Kate Hudson), censée incarner une héroïne tour à tour espiègle, vulnérable et résiliente, n’existe que par une série de clichés réchauffés sur l’insouciance et l’indépendance féminine. Son parcours de malade devient une succession de postures convenues, sans que jamais n’émerge une véritable évolution intérieure.
La distribution secondaire — pourtant composée de talents confirmés tels que Kathy Bates, Gael García Bernal ou Whoopi Goldberg — est réduite à l’état de simples faire-valoir. Chaque relation est esquissée à grands traits, sans subtilité ni complexité, donnant à l’ensemble une impression de théâtre d’ombres où les figures humaines sont vidées de toute épaisseur dramatique.
Le travail de direction d'acteurs de Nicole Kassell, si souvent fin ailleurs, paraît ici totalement absent, comme si l’équipe elle-même ne croyait pas au matériau narratif.
À l’image de ses personnages, la mise en scène de A Little Bit of Heaven se révèle désespérément plate. Les choix esthétiques — cadrages fonctionnels, lumières standardisées, montage sans respiration — trahissent une approche purement illustrative, dénuée de toute intention artistique forte.
La narration, quant à elle, obéit aux schémas les plus éculés du genre : annonce du diagnostic, résistances émotionnelles, révélation sentimentale, réconciliation familiale, ultime leçon de vie avant l’inévitable épilogue larmoyant. Cette structure rigide et prévisible empêche toute surprise émotionnelle et interdit toute forme d'authentique implication du spectateur. Là où l’art aurait pu sublimer le réel, le film ne livre qu'une caricature lisse et inoffensive.
Peut-être l’intention première était-elle sincère : parler de la mort avec tendresse, aborder la peur avec le sourire, exalter la vie dans ses derniers instants. Mais ces ambitions, louables sur le papier, sont ici sabordées par une écriture qui se refuse à toute complexité. Le message du film — vivre pleinement chaque instant, aimer sans retenue — est asséné avec une naïveté désarmante, sans jamais trouver les nuances qui seules auraient pu lui donner un véritable écho émotionnel.
Au lieu d'atteindre la beauté simple que certaines œuvres savent capter lorsqu'elles traitent de la fin de vie, A Little Bit of Heaven sombre dans une sentimentalité mécanique, rendant son propos à la fois convenu, distant et tristement inefficace.
Au terme du visionnage, une impression domine : celle d’une profonde occasion manquée. Loin de l’œuvre sensible et lumineuse que l’on aurait pu espérer, A Little Bit of Heaven offre une caricature d’émotions, un ersatz de drame et une vision aseptisée de la mort, aussi irréaliste qu'irrespectueuse.
Mon jugement, aussi sévère soit-il, se fonde sur cette déception fondamentale : face à un sujet universel et bouleversant, le film choisit la facilité plutôt que la vérité, le cliché plutôt que la sincérité. En cela, et malgré toute la bonne volonté qu'on pourrait tenter de lui prêter, A Little Bit of Heaven échoue non seulement comme comédie romantique, mais plus gravement encore, comme récit humain.