Tour à tour très prenant, choquant et déroutant, A touch of sin marque au fer rouge le spectateur embarqué pour cette parenthèse politique en terres chinoises. Jia Zhangke y dresse un bilan désespéré d'un pays dont les habitants errent dans des rues à sens unique, que seul un sursaut de violence primaire parvient à ébranler. Et si de ce constat on ne peut plus noir, il est difficile, pour un européen qui n'a pas de connaissances approfondies de la Chine, de faire la part des choses, on ne pourra pourtant pas reprocher à Jia Zhangke d'avoir des choses à dire. Surtout quand elles sont dites avec une passion aussi rageuse nourrie pendant 2 heures d'un savoir-faire minutieux qu'il prend plaisir à nous mettre dans les gencives, sans jamais crier gare. Entremêlant les destins de ses personnages, pour les conclure dans la douleur à chaque fois, le cinéaste nous prend pour témoin d'une Chine désespérée. On finit la séance totalement épuisé par cette noirceur omniprésente, par cette violence frontale qui surgit au moment où on ne l'attend pas pour clore une problématique politique à chaque fois différente.


Evidemment, la question de la partialité se pose quand on est face à une critique sociale aussi acerbe. C'est d'ailleurs un peu gêné que l'on finit la séance. Partagé entre deux sentiments. Celui de porter le film dans son coeur, pour ses qualités purement cinématographiques : A touch of sin est animé par une photographie précise, dont les perspectives très marquées accentuent la fuite à laquelle s'adonnent tous les personnages. Jia Zhangke connaît son affaire et place sa caméra avec intelligence pour donner à ses images une puissance graphique évidente.


Mais cette envie d'adorer le film est estompée par un sentiment que tout n'a pas été dit avec nuance. Jamais l'once d'un espoir ne se fait une place dans le cadre, comme si la Chine avait franchi un point de non retour, comme si le peuple chinois n'avait plus qu'à serrer les dents et continuer à vivre dans la douleur. Peut être que tout n'est pas aussi noir, je l'espère en tout cas, et qu'il aurait été également pertinent d'illustrer une chemin de vie un peu plus positif pour contrebalancer la noirceur dominante qui habite A touch of sin.


En l'état, il n'en reste pas moins que Jia Zhangke nous fout KO avec cet uppercut ultra violent. Sec et sans concession, il impose son nom dans la liste des réalisateurs qui maîtrisent leur outil à la perfection avec une telle prestance qu'on ne peut les oublier.

oso
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le 14 févr. 2014

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