Corée malade

Très beau film qui traite un très grand sujet; la pression au travail, l'aliénation.

Le réalisateur nous montre la vie d'une jeune fille qui n'appartient pas à un milieu aisé et doit travailler pour pouvoir gagner de l'argent. Elle se retrouve dans une boite de call center pour des services internet où elle passe son temps à essayer de pousser les clients insatisfaits à se réengager et esquiver de manière détournée les pervers. Bref, on voit tout de suite que la pression est monstre, les chefs se servent de la carte humiliation dès qu'ils peuvent, sont extrêmement manipulateurs, s'arrangent pour que le milieux devienne compétitif et tout ce qu'on peut imaginer de plus inhumain. Ce qui m'a touché c'est le parcours de la protagoniste, Kim Sohee que l'on suit de près, il s'agit d'une personne complexe dans laquelle on peut se reconnaitre, on se rend compte que ceux qui l'entourent ne connaissent pas tous les aspects de sa personnalité. A nos yeux elle apparait comme quelqu'un de solaire et d'explosif qui petit à petit s'éteindra sous la pression morale subit chaque jour au travail. Et là, on ne parle pas de job alimentaire comme on a pû en faire et où il n'y a pas de grandes répercussions s'il nous a pris de partir de manière peu responsable. Ici les gens jouent leur vie. Ils ne pourront pas rebondir s'ils se font virer comme l'explique une des filles du centre avec l'histoire des étiquettes rouges qui te signent comme une personne licenciée afin qu'on te place pour laver les toilettes ou vider les poubelles, parcours obligatoire avant de retrouver un "vrai" travail". Kim Sohee pleine de vie reste mystérieuse mais n'est en rien égoïste et pourtant à un moment, quand elle à l'impression de se sentir un peu plus validée par le travail qu'elle fourni, validée par ses bourreaux, elle rigole des clients et des stratégies qu'elle adopte pour "les arnaquer". Cette scène assez courte est fine, elle perce exactement ce qu'il se passe dans la psychologie d'une victime qui devient bourreau une fois que son cerveau est bien lavé et que son propre bourreau lui donne une petite reconnaissance. On la voit également forcer un père qui vient de perdre son enfant à ne pas résilier son contrat, les situations deviennent absurdes, et c'est tellement réaliste. Cette aliénation fait changer des mentalités, c'est un peu de ça que traite le film, le réalisateur dépeint la Corée comme un endroit malade, il n'y a pas un personnage heureux dans l'histoire il ont tous des énormes troubles liés à leur classe généralement. La deuxième partie du film on suit une inspectrice dans son enquête et on comprend, à sa grande peine, qu'il n'y a pas une personne coupable de la tragédie qui vient de se passer, mais qu'il s'agit d'une chaîne entière impossible à démanteler. le coupable c'est la construction de la société coréenne, sa culture, des choses trop profondes pour pouvoir changer. Comment blâmer ces "adultes" qui instaurent dans leur entreprise cette mentalité si minable et dangereuse alors qu'on imagine sans effort qu'ils sont aussi dirigés par une pression venant d'au dessus et doivent fournir des résultats, tout le monde est la victime d'une personne dans cette société ultra hiérarchisée. La plus part des personnages apprennent des suicides et voient des cadavres sans que ça ne les affecte du tout. Les gens sont dépossédés de sentiments, tous morts de l'intérieur.

Pour moi le réalisateur parvient à nous montrer un vrai problème sociétal grave et le fait de manière très poétique et riche . C'est un film très marquant.