Pendant que Luc Besson tente de marcher dans les pas de Francis Ford Coppola en livrant une énième adaptation du roman de Bram Stoker, d'autres tentent d'aborder le mythe Dracula par l'exploration de certains pans de son lore laissés dans l'ombre par l'écrivain. Ainsi, à l'instar du "Dernier Voyage de Demeter" qui se servait de quelques pages de l'écrit pour densifier la virée infernale du vampire en mer, "Abraham's Boys" va lui s'intéresser à l'après, aux conséquences de ce face-à-face avec les ténèbres sur le plus célèbre chasseur de vampires et sa famille près de dix-huit ans après les évènements relatés par le livre.


En 1915, dans les plaines californiennes sauvages où la civilisation commence à poser les jalons de sa modernité, Abraham Van Helsing, sa femme Mina (oui, LA Mina Harker) et leurs deux fils vivent isolés, avec le souvenir encore pregnant de leur plus funeste rencontre survenue au sein de l'Ancien Monde. Quand Mina commence à adopter un comportement plus étrange qu'à l'accoutumée, Abraham est certain que le mal qu'il a défait est en train de faire son retour, il décide de préparer ses enfants au potentiel combat à venir...


Librement adapté d'une nouvelle de Joe Hill, le film de Natasha Kermani n'a besoin que de quelques secondes de son prologue pour poser les jalons de sa superbe esthétique austère.

Là où la lumière californienne est dévorée par l'obscurité, la résurgence d'un mal ancien se matérialise instantanément à l'écran en compagnie des cris étouffés d'une innocente victime le long d'une route désertique. Puis, dans le cadre (encore) ensoleillé de la demeure de Van Helsing, un plan-séquence vient nous présenter ce qui semble être l'errance perpétuelle des habitants qui y demeurent, régie par la présence dominante du patriarche dont la pression psychologique est renforcée par l'étau des barres noires du format d'image convoqué. Celui-ci conférera d'ailleurs une espèce de caractère anachronique parfait au long-métrage, lui permettant même, le temps de quelques passages oniriques, de créer des ponts formels assez remarquables avec les premières apparitions vampiriques au cinéma.

Bref, on avait décelé de belles promesses de réalisatrice chez Natasha Kermani via son "Lucky", la plastique d'esthète de cet "Abraham's Boys" ne fait que les confirmer, d'autant qu'elle trouve en Titus Welliver une glaçante incarnation de Van Helsing en forme de bombe à retardement prête à engloutir ses proches dans ses obsessions.


Démarrant sur quelques idées loin d'être bêtes (dont la principale "Est-ce que ce cher Van Helsing n'aurait pas en réalité méchamment vrillé depuis sa fatidique virée à Londres ?"), le film n'en est malheureusement pas à la hauteur par sa manière de les exploiter.

Se reposant beaucoup sur la seule densité apportée par son immense background (ce qui lui permet, on le reconnaît, de faire parfois son petit effet), "Abraham's Boys" n'en tire finalement qu'un duel psychologique père/fils assez convenu, où le jeu d'ambivalence cherché sur le personnage du chasseur de vampires se dilue dans des séquences répétitives de ses contours, sans grande trouvaille pour en exacerber la portée ou la tension qui pourrait en émaner, jusqu'à des finalités d'émancipation forcément elles aussi dénuées de surprise.

Dans ce genre de confrontation familiale déviante, le génial "Emprise", seule et unique réalisation de l'acteur Bill Paxton, avait fait terriblement bien plus fort il y a plus de vingt ans et sans avoir besoin de recourir à la mythologie d'un célèbre support littéraire (ce qui nous permet de vous le recommander en passant).


Pas désagréable en soi mais manquant cruellement de folie, "Abraham's Boys" est une espèce d'épilogue hélas peu marquante d'une œuvre dont il use beaucoup trop des ténèbres pour chercher à exister à part entière. Reste que Natasha Kermani y confirme un talent certain... dans l'attente d'un projet plus fort pour le mettre réellement en valeur.

RedArrow
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le 8 août 2025

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