Pour ceux qui ne connaissent pas malgré les rediffusions presque quotidiennes de son œuvre sur OCS (vers 3h24 du matin), le regretté Jean Rollin, maître français de la série Z érotico-fantastique (auteur de maints films aux titres inoubliables tels que Le Viol Du Vampire, Les Deux Orphelines Vampires, La Vampire Nue, Les Raisins de la Mort, Lèvres de Sang et La Nuit des Traquées) n'a hélas pas beaucoup fait profiter le genre science-fiction de ses talents (consistant notamment à toujours trouver des prétextes pour dévêtir ses protagonistes féminines, et à multiplier les effets cheaps à base de brume, de jeux d'éclairages et/ou de jus de tomate tout en installant des ambiances étranges à l'aide d'acteurs -enfin actrices surtout- au jeu d'autant plus énigmatique qu'approximatif, de décors kitsch et de scénarios ayant malgré tout l'audace de se prendre au sérieux), étant d'avantage inspiré par l'épouvante d'inspiration gothique (comme on s'en doutera au vu de la liste plus haut).

Est ce ce qui lui valut de ne voir jamais Le Monde qualifier un de ses films de "chef d’œuvre fiévreux et sensuel, qui raconte, en creux, le fantasme d’une société" ? Pourtant chez Rollin aussi on se situait "sur la planète des seins, où la nudité des corps prend un tour animal, et la sexualité mute jusque dans les poitrines éjaculatrices".

Il y aurait de quoi se poser la question surtout alors que comme l'écrit Zone Critique d'Afterblue-Paradis Sale ses héroïnes aussi, dont les deux orphelines vampires, "délaissaient bien souvent leur quête au profit d’une découverte sensorielle du monde (se confondant toujours avec la découverte de la sexualité)" et qu'il arriva à maintes de ses créatures de "s’abandonner dans une forêt aussi hostile qu’enchantée" (ainsi que dans divers autres décors partageant "un goût assumé pour le kitsch"). Pourquoi a t'on si peu salué son œuvre "constituée de chair" (et de brume, de kitsch et de jeux d'éclairages) quand les critiques d'After Blue - Paradis Sale la font apparaitre comme ayant eu 50 ans d'avance dans la création d'un "nouveau cinéma" ?

Plus injuste encore, alors que des critiques d'Afterblue parviennent à lister parmi les inspirateurs de Mandico, rien de moins que John Boorman, John Ford, Gaspar Noé, Michael Cimino, Tarkovski, Sergio Leone, Eiichi Yamamoto, Kenneth Anger, Dario Argento, Jodorowsky, Paolo Eleuteri Serpieri, et j'en oublie, nul ne songe à rendre à César ce qui est à César et à même mentionner Jean Rollin.

Toujours est-il que, n'ayant pu m'empêcher, irrésistiblement, de me souvenir de ceux du susnommé en visionnant ce film, j'ai comme l'impression qu'il y a comme un effet Les Habits de l'Empereur (ou serait ce plutôt l'Absence d'Habits de l'Impératrice ?) affectant la plupart des critiques qui en parlent.

On leur offre ce qui il y a 40 ans, du temps où il y avait encore du cinéma bis, serait apparu comme une classique, si plus réussie que leur moyenne, série Z érotico-fantastique, avec un type de prétention politico-artistique qui n'était également pas étranger au cinéma érotique des années 70, et ils hurlent en cœur au génie créatif quand c'est un genre qui a été plus que largement exploré, en long en large, jusqu'aux tréfonds des forêts kitsch et aux têtons des poitrines éjaculatrices, par des prédécesseurs qu'ils ne semblent pas tenir dans une telle estime.

Après qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit, Mandico en soi ne fait pas, dans son genre, un mauvais film, Afterblue mérite certainement d'être jugé meilleur que la plupart de ceux de Jean Rollin, et réussit bien mieux à installer une ambiance onirique et fantasmatique, tout en y mêlant un vague propos politique, que la moyenne des films "d'auteur" de la vague Emmanuelle.

Mais il reste quand même beaucoup plus proche de ceux de cette catégorie que de la plupart de ceux auxquels il est généreusement comparé.

Créée

le 12 nov. 2022

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