Après avoir réiventé à sa sauce le personnage de Sherlock Holmes, Guy Ritchie continue d’imposer sa patte groovy et stylisée. Après les petits escrocs anglais (Snatch, Arnaques, Crimes et Botanique) et les détectives, donc, l’Anglais s’attaque à l’espionnage. Toujours avec son œil aiguisé.


Figures charismatiques et emblématiques par excellence, les espions n’ont jamais cessé de peupler les salles obscures. La question, aujourd’hui, est davantage de créer un monde assez singulier pour qu’il soit distinguable des autres, plutôt que de surcharger les effets visuels. Tous, de Bond à Bourne en passant par Ethan Hunt aux petits trublions de Kingsman cherchent leur ton, leur univers, leurs repères. Pas évident pour un nouveau venu de se tailler un costard entre tous ces agents aussi doués les uns que les autres.


Dire que l’ensemble trois pièces de ces Agents Très Spéciaux est totalement neuf serait toutefois une erreur. Contrairement à Kingsman, l’inspiration ne vient pas d’un comic mais d’une série grabataire américaine diffusée dans le milieu des années 60 sur NBC, la chaîne publique US. Un feuilleton en pleine guerre froide sur deux espions aux méthodes et caractères complètement opposés. Mais que voulez-vous, quand il s’agit de sauver le monde, les affinités se créent.



SPIES BUDDIES FOR LIFE



Parce qu’il faut toujours ouvrir un film d’espionnage avec une mission en cours, Agents Très Spéciaux ne déroge pas à la règle. Au cœur d’un Berlin encore séparé entre Ouest et Est, un agent de la CIA est envoyé en exfiltration d’une apparente banale garagiste, Gaby (l’excellente Alicia Vikander, repérée dans le fantastique Ex Machina) emprisonnée du côté démocratique. Vite repéré, l’Américain doit se coltiner son clone du KGB, fort comme un taureau et taré comme un psychotique. Le duel de compétences s’opère. Pas pour longtemps.


Napoleon Solo (Henry Cavill, le dernier Superman de Man of Steel) est américain, Illya Kouriakine (Armie Hammer, aperçu dans The Social Network) est russe. Les deux agents, aussi doués dans leur domaine que se haïssant mutuellement, vont pourtant devoir bosser ensemble pour sauver le monde d’une organisation néfaste. Pour la petite anecdote, dans la vraie vie, le premier est anglais, le second américain. Sauf que Ritchie est assez malin pour choisir des interprètes impeccables dans leur rôle, malgré un petit reste so British côté Cavill. On mettra ça sur le compte de l’aspect dandy de son personnage.


Il n’empêche que les deux compères cabotinent, s’amusent, et insufflent assez de spontanéité dans la finesse de leurs dialogues pour rendre un ensemble de très bonne facture. Les situations s’enchaînent, le scénario se cale sur un rythme alternatif entre opérations musclées et débriefing propice à la cocasserie. C’est que la forme est clairement plus intéressante que le fond, facile, à la limite de la fainéantise. Certes, les nazis sont un ennemi commun idéal entre Russes et Américains. De là à faire un énième récit de réseaux tentaculaires et de menaces nucléaires… Heureusement, l’antagonisme s’incarne davantage dans une série d’individus aux charismes prononcés que dans la trame mondiale.



SWEET SIXTIES



De l’aveu même du réalisateur Guy Ritchie, les années 60 se présentent comme une opportunité de mise en scène trop belle pour pouvoir être réadaptée. Là où tous ses concurrents usent et abusent des merveilles de technologie moderne, nos deux protagonistes se battent tant bien que mal avec des micros à broches longues comme le poignet et des manières de vieux crooners à la bienséance d’un autre temps. Une contrainte que Ritchie réussit avec brio à convertir en qualité. C’est que le réalisateur a réussi à s’approprier son sujet, à le maîtriser pour trouver le juste milieu entre les blagues potaches d’OSS 117 et l’action ébouriffante des Mission Impossible.


Le tout est articulé par la mise en scène speed, groovy et kitsch réussie de Ritchie. Le réalisateur impose sa signature, quitte à en faire trop parfois. La tendance à grimer à outrance les personnages féminins, de la fausse ingénue Gaby à Victoria Vinciguerra (Elizabeth Debicki), la figure de l’organisation terroriste, est un peu lourdingue au bout des deux heures de pellicule. De même, le cinéaste s’est parfois senti dans l’obligation d’expliciter un scénario pourtant simplet, choisissant quelques avalanches d’effets visuels parfois dispensables, trop tape à l’œil, se suffisant trop à eux-mêmes.


Pour autant, une fois les affaires réglées, Agents Très Spéciaux : Code UNCLE réussit son pari en se créant sa propre personnalité, unique, parfois un peu potache mais globalement très plaisante. Avec une Histoire à réinventer, à la manière des derniers X-Men et un trio dont l’alchimie est déjà acquise, la saga a toutes les cartes en main pour faire sortir ses agents de l’ombre. Ne manque plus qu’une nouvelle opportunité de sauver le monde.


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le 22 oct. 2015

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