Alabama Monroe partait pourtant d’un sujet casse-gueule : la réaction d’un couple à la maladie de leur enfant. Sujet déjà traité il y a peu dans le très bon La Guerre est déclarée, qui malgré ses défauts proposait une réelle expérience, notamment grâce aux deux interprètes principaux. Comment éviter le larmoyant, la mièvrerie facile avec une telle histoire ? Comment ne pas se renfermer dans le format trop classique d’une tragédie prévisible et ennuyante ? A vrai dire, malgré les bons retours critiques, je ne pensais pas que c’était possible.

De par sa narration décousue sous forme de puzzle (à part pour les deux premières scènes, il n’y a aucune indication temporelle des évènements, à part celle de notre propre déduction), le suspense est présent : on doute de quoi il est question dans une scène, et ce n’est que vingt minutes plus tard qu’on en a la réponse – souvent surprenante d’ailleurs. Cette forme que choisit le scénario était difficile à mettre en place : il ne fallait pas perdre le spectateur, jouer tout le temps sur les décors, les costumes pour qu’on ne sache jamais si une scène qu’on a vu plus tôt est oui ou non la suite de celle qu’on est en train de voir, et parfois, ça tient du véritable génie scénaristique. Mais outre ses qualités évidentes de ce côté-là, une force énorme de Alabama Monroe est l’originalité de ses protagonistes : rythmé sur du bluegrass, porté par le couple d’un musicien/chanteur et d’une tatoueuse, ses scènes presque sauvages donne au tout un ton souvent exaltant malgré la teneur du sujet.

J’ai rarement vu des scènes musicales aussi réussis – qui, de par la qualité des choix musicaux, leur cohérence avec le propos du film et leur évolution au fur et à mesure des évènements, donnent un ton assez particulier au tout. Ce bluegrass est magnifique, les scènes de concert parfaites, y a véritablement un style unique qu’on ne retrouve que trop peu dans des productions réussis. Les deux heures passent très rapidement (et ce malgré si le film peine presque à trouver son ton dans le premier quart d’heure), la fin est absolument sublime, les acteurs sont tous géniaux, le film joue habilement entre nostalgie avec ses scènes hilarantes et dure réalité du présent, la dernière heure est à pleurer de beauté (et je dois avouer que j’ai lâché plus d’une fois une larme – tant la force de certaines scènes, même au beau milieu du film, est bouleversante).

Le cinéma belge ne s’est jamais mieux porté qu’aujourd’hui. Alabama Monroe en est la figuration évidente : jamais mièvre, toujours innovant, beau, drôle, terrible, dur et tragique. Une grosse claque, pour l’un des meilleurs films de l’année sans aucun doute : à voir absolument tant la rareté de productions réussies sur ce type de sujet rend le tout encore plus grand. Un film qui restera. Magnifique.
Vivienn
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le 31 août 2013

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Vivienn

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