Outbreak (Wolfgang Petersen, U.S.A, 1995)

Que se passerai-t-il si demain un petit singe tout innocent capturé au Zaïre (l’actuelle République Démocratique du Congo, l’ancien Congo Belge), importait avec lui aux États-Unis un virus particulièrement agressif se rependant telle une trainée de poudre dans tout le pays ? Et bien c’est la réponse à laquelle essaye de répondre ‘’Outbreak’’, sous le prisme d’un Blockbuster se voulant intelligent.


Sorti en 1995, l’œuvre de Wolfgang Peterson interroge par le biais d’une démarche des plus plausibles, même si dans la forme ça reste très ‘’Américain’’ avec une dose de pathos inévitable et un déroulé des plus classique. Le tout en cherchant à distiller du suspens, sans pouvoir s’empêcher d’agrémenter l’ensemble de séquences d’actions spectaculaires.


C’est là le défaut principal d’un métrage faisant passer sa réflexion centrale, la diffusion du virus, au second plan. Se focalisant davantage sur le rapport entre un couple divorcé, forcés de travailler ensemble, et la dévotion bornée d’un scientifique militaire, tête brûlée passant son temps à tenir tête à ses supérieurs. Puisqu’il sait qu’il a raison.


Le film ne parvient pas à éviter les pièges de l’entertainment made in 90’s, tombant dans chacun d’entre eux, pour aboutir au final à une œuvre trop classique. Jamais Wolfgang Peterson ne parvient à assumer son propos principal, le virus, et focalise sans cesse son récit sur les rapports entre le major Sam Daniels (Dustin Hoffman) et les autres personnages.


Les généraux Billy Ford (Morgan Freeman) et Donald McClintock (Donald Sutherland), son collègue Casey (Kevin Spacey, bien avant sa disgrâce), Salt, la jeune recrue inexpérimentée (un Cuba Gooding Jr. débutant, encore plein d’avenir, avant de devenir has been), son ex-femme (Rene Russo, aujourd’hui un peu oubliée) et Jimbo un malade metaleux, responsable de l’arrivée du petit singe (Patrick Dempsey, bien, bien, BIEN avant Dr m’amour).


Alors oui, c’est vrai, le film à un super casting, mais il a aussi une super histoire à raconter. Et c’est là que ça pêche un peu. Le gros défaut du film est qu’il est en quelque sorte beaucoup trop ‘’propre’’. Il peine à retranscrire réellement l’horreur engendrée par le virus, qui pour le peu que l’on en voit est un équivalent d’Ebola. Avec liquéfaction des organes, période d’incubation inférieure à 24h et une mort expresse.


Si l’urgence est plutôt bien traduite, avec un sens aigu du détail, tout le processus de la recherche d’un antidote, menée par Dustin Hoffman, se résume en tout et pour tout à une aventure téléphonée. Un peu fainéante dans son déroulée, elle fait perdre progressivement l’intérêt de l’audience au fur et à mesure que le film se déroule.


Cependant, les réflexions que soulève ‘’Outbreak’’ sont en 1995 un moyen de mettre en lumière une administration gouvernementalo-militaire des plus incompétente. Pas du tout préparée pour prendre en charge efficacement un scénario catastrophe d’ampleur. Mais c’est aussi tout le processus de mondialisation que vient questionner le film de Petersen.


Le petit singe est kidnappé en Afrique, il arrive illégalement aux États-Unis, à bord d’un bateau arborant pavillon chinois. Le virus frappe la Californie, mais des cas éclatent aussi sur la côte Est, suivants des trajets aériens. Puis c’est sur tout le territoire que le virus se répand, d’où le sens bien plus aiguisé du terme ‘’Outbreak’’, qui évoque l’idée de ‘’percée’’, quand le titre français ‘’Alerte !’’ minimisant involontairement les vrais enjeux du métrage.


Le temps que les autorités réagissent est lent, brumeux, elles tâtonnent, laissant au virus le temps de se développer chez plusieurs hôtes. Et ce, bien avant que quelqu’un ne fasse le rapprochement entre les différents cas. Particulièrement violent, les effets du virus ne sont clairement pas ceux d’une grosse grippe. Là on parle de convulsions, d’attaques du système nerveux, de coulées de sang dans la bouche, les narines, les yeux et les oreilles, des plaques rouges et des irruptions purulentes sur l’épiderme. C’est pas jojo en gros.


Placée sous l’autorité de l’armée la crise débute par le confinement d’un petit village, soupçonné d’être l’endroit d’où s’est propagé le virus. Pendant que des équipes travaillent d’arrache-pied à trouver un vaccin, l’état-major se déchire entre laisser le temps au major Daniels et ses élucubrations scientifiques (qui s’avèrent bien entendu être vraies) de trouver un vaccin, et faire sauter le patelin.
Une hiérarchie divisée entre un général plutôt soft (Ford), qui est pour attendre, quitte à ce que le virus fasse encore quelques victimes, mais avec la quasi assurance d’avoir un vaccin. Et un général plus bourrin (McClintock) qui veut confiner les malades au même endroit et tout faire péter.


Cette méthode drastique, en plus de tuer instantanément des milliers de citoyens américains, ne fera pas plus avancer la recherche. D’autant plus que parmi les scientifiques qui planchent sur un antidote, en première ligne, il y en a un qui est déjà mort du virus et une autre qui est infectée. La situation apparaît des plus désespérées.


Le film cherche à opposer deux visions antagonistes, mais d’une manière bien trop manichéenne pour être pertinente, ce qui atténue la réflexion. En effet, dès le départ il nous est présenté le gentil Ford contre le méchant McClintock. Or la méthode de ce dernier n’est pas plus horrible que l’autre. Par la destruction globale d’un foyer d’infection, il y voit un moyen d’empêcher le virus de se diffuser. Certes cela pose des questions morales et ouvre la porte à d’autres destructions de zones infectées. Mais dans sa logique, il y a une volonté de minimiser le nombre de morts à des milliers, face à des millions potentiels.


Pour Ford et Daniels il est nécessaire d’attendre, au risque de nouvelles victimes. Jusqu’à temps de trouver la source du virus (le singe lâché dans une forêt), ou une personne immunisée. Or le temps joue contre eux, et donne l’avantage à McClintock, car le virus lui, n’attend pas. Si attendre et sauver tout le monde est de fait l’alternative la plus humaine, pour l’autorité qui a pour mission de protéger la nation et ses citoyens, ça ressemble à un pari quitte ou double.


Le nombre de victime se multiplie à mesure que la recherche avance, et sacrifier une petite partie de la population, est une option envisageable pour ralentir la propagation du mal. Le problème c’est que la réflexion du spectateur/rice est entravée par l’écriture des généraux : l’un est sympathique, et à une relation amicale avec Daniels, quand l’autre est un gros connard insensible et austère, qui n’aime pas le personnage principal. Part le point de vue duquel nous sommes témoins du déroulé des évènements.


Il n’est pas donné à l’audience le choix de porter réflexions sur les deux méthodes. Il y en a une bonne et une mauvaise. Point. Et comme c’est un gros blockbuster mainstream à 50 millions de $, c’est aseptisé, remplit de bons sentiments et d’un bon gros pathos indigeste., Forcément c’est la méthode soft qui gagne, permettant un happy end lors d’une séquence finale complétement rushé. Genre :


_‘’On a l’antidote’’


_’’Cool !’’


Fin.


Pas particulièrement mauvais, ‘’Outbreak’’ se regarde facilement comme un film d’action, puisque sa forme empêche ses thématiques et ses enjeux d’être portés à un niveau autre que le simple entertainment. Tout est téléphonés et un peu couru d’avance, car à mesure que le récit se déroule, et à la manière dont sont écrits les personnages, et incorporés a l’histoire (où tout bêtement la place du nom de leurs interprètes au générique) en tant que spectateur/rices il est fait peu de mystère sur le déroulé de l’intrigue.


Peut-être que c’est juste que le film accuse le poids de années, déjà 25 ans mine de rien. Mais en tout cas sa structure est d’un classicisme qui l’empêche d’être efficace. Contrairement à ‘’The Crazies’’ de George A. Romero, 22 ans plus tôt, qui s’intéressait surtout à l’indice humain, en collant son récit au point de vue de potentielles victimes. Dans ‘’Outbreak’’ le personnage principal est un militaire scientifique, le seul à pouvoir sauver le monde. S’il meurt tout l’arc narratif qui tient le récit s’effondre, et tout le monde meurt. Parce que McClintock atomise la ville. Un point de vue vicié dès le départ, puisqu’il est certain que Daniels va parvenir à ses objectifs. Sinon y’a pas de film en fait.


Un divertissement tout de même agréable, à regarder avant tout comme tel, que comme grande œuvre anticipatrice, Car comme on peut le voir en période d’outbreak du Coronavirus, c’est bien plus complexe qu’une simple question de ‘’vaccin’’ vs. ‘’destruction’’. De la sorte, le film de Wolgrang Peterson échoue dans sa tentative d’universalité, puisqu’il ne fait qu’accumuler des codifications stéréotypées pour alimenter un propos forcé, empêchant l’élaboration de pistes réflexives plus solides. Donc ouais, un divertissement agréable, pas beaucoup plus.


_‘’Oh, ils ont découvert l’antidote !’’


_’’Cool !’’


Fin.


-Stork._

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le 18 mars 2020

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