Alger la blanche
6.4
Alger la blanche

Court-métrage de Cyril Collard (1985)

J'ai vu ce court-métrage pour la première lors du Festival du Film court de Lille, à l'époque il ne m'avait laissé comme ressenti, "qu'une belle œuvre ancrée dans le contemporain, mais quelque peu confuse". Toutefois, il me resta en mémoire par l'anecdote qui suit. J'étais jeune, et fasciné par "les gens du cinéma"... Une année après, je découvrais Cyril Collard avec "Condamné amour", flamboyant, toxique et mémorable roman, prémices des futures "Nuits fauves"... J'ai suivi dès ce moment là sa carrière, et c'est avec beaucoup d'émotions, comme beaucoup de français à l'époque, que j'ai appris et regretté son décès si abrupt. Me revenaient alors en mémoire plus vifs encore les détails de cette après-midi de 1986...


19 avril 1986, 13h30. Ordinaire samedi après-midi à Lille où les gens se pressent de la gare routière vers le centre-ville. Il fait beau, qu’importe je n’en profite pas. L’objectif du jour pour moi est tout autre. Je me rends au Métropole, cinéma de quartier à l’époque de mes parents, désormais cinéma d’art et essai. Mon cinéma préféré ! Ce soir, un évènement, c’est la clôture du 2ème Festival du film court. Je suivrai deux des sélections avant de retrouver mes amis pour partager ce moment festif. Mieux que si nous nous rendions aux Césars. J’ai toujours aimé ce petit cinéma. L’escalier nous fait plonger dans l’intimité d’auteurs, de réalisateurs, sincères ou trublions, sérieux ou loufoques… Là, j’ai assisté à presque tout souvent transporté, parfois énervé. En plus, le récent programme de rénovation apporte désormais plus de confort, notamment au niveau des sièges, mais surtout en qualité de son et d’image.


Et c’est donc avec impatience, et quelque part envie, que je m’apprête à découvrir le travail de ces jeunes femmes ou hommes, pour la plupart, qui ont su faire passer le rêve (« Ah ! Faire du cinéma ») à une réalité. Je ne serai pas dérangé. Dans la salle, une personne, quasi au premier rang. Je m’installe donc, pose mon petit carnet sur mes genoux. Je prends toujours des notes pendant les films (répliques, nom de technicien, idée de mise en scène…). Chaque sélection, les « séances de compétition » comporte 8 courts soit un peu moins de deux heures où vont se côtoyer à la suite, des univers, des formes, des sensations aussi différents que passionnants. La salle me coupe du monde, l’écran affiche un premier titre ; « Poussière d’étoiles » d’Agnès Merlet. Première émotion à peine troublée par un rai de lumière d’une porte qui s’entrouvre.


100 places derrière, 100 places devant (moins 1) et le spectateur indélicat par son retard (je déteste les personnes qui entrent en salle alors que le film est commencé) s’assoit juste à côté de moi. Il est jeune, jambes et jean croisés, baskets blanches qui tranchent avec l’obscurité. Il semble tout aussi attentif que moi. Je l’oublie. « Tu veux un Bounty ? » discret murmure. Je tourne la tête, il me sourie en me tendant la mini barre chocolatée (partenaire du Festival). Nous mangeons discrètement ces friandises (véritable open bar) en découvrant « Premiers mètres » de Pierre Oscar Levy. L’intimité se transforme en partage. Marquant une pause, la lumière se rallume. Je découvre mon voisin. Très vite, un échange s’instaure. Il me pose des questions sur la sélection, sur mes goûts au cinéma. Je lui fais part de ma passion de mon envie de faire moi aussi des films.


A peine plus vieux que moi, il est pourtant plus mature. Il essaie de percer depuis quelques années, il écrit, a été scripte, assistant réalisateur, et là il vient de réaliser un court dont il est très fier. Un peu benoîtement je lui prédis une sélection pour 1987. Bel éclat de rire. Il est beau. La sélection reprend, le silence pèse. Il est presque 16h quand elle se termine. Mon voisin se lève radieux, il me tend la main. « Moi c’est Cyril, peut-être nous verrons-nous ce soir à la remise de prix ? » A peine ai-je eu le temps de bredouiller « Moi c’est Dominique » qu’il était déjà en partance prêt à quitter la salle. Emotion.


19 avril 1986, 20h30. La remise de prix bat son plein, avec son lot de remerciements et d’interventions diverses. Le premier prix à être attribué est celui du public. L’annonce me scotche ! « Le prix de court du public revient cette année à… Cyril Collard pour Alger la Blanche. » Il monte sur scène, lumineux.


Emotions…


https://www.youtube.com/watch?v=k40_KAZ8dWw&index=2&list=RDozoKQagAGZc

Fritz_Langueur
7
Écrit par

Créée

le 7 juin 2015

Critique lue 1.2K fois

3 j'aime

1 commentaire

Fritz Langueur

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

3
1

Du même critique

Ni juge, ni soumise
Fritz_Langueur
8

On ne juge pas un crapaud à le voir sauter !

Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...

le 12 févr. 2018

59 j'aime

7

120 battements par minute
Fritz_Langueur
10

Sean, Nathan, Sophie et les autres...

Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...

le 24 août 2017

56 j'aime

10

Tale of Tales
Fritz_Langueur
9

La princesse aux petites poisses...

Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...

le 3 juil. 2015

48 j'aime

11