Ellen Ripley ne serait-elle pas l'archétype ultime de la "La dernière survivante" (final girl ou surviving girl en anglais). L'idée de départ est que nous avons un groupe de jeunes gens délurés qui se font exterminés les uns après les autres dans d'atroces souffrances par un meurtrier sociopathe, un animal dégénéré ou une entité inconnue aux pouvoirs surhumains. Seul survit une jeune fille moins dépravée que les autres qui fait montre d'intelligence et de forces morale et physique pour détruire la "Bête". Je ne suis pas friand de ce genre apparu dans les années 1970 et dénommé "slasher" et "survival movie"s. Or, je viens de m'apercevoir qu'Alien, le 8ème passager répond à ce topos en lisant l'essai de Benjamin Patinaud, Le syndrome Magneto.


Dans les années 1970, apparaît un nouveau genre de film d'horreur dans lequel c'est un personnage féminin qui survit au tueur. L'image de la jeune fille en détresse - voir Planète interdite ou Star Wars, épisode IV - se transforme en une survivante, seule rescapée de l'extermination grâce à ses capacités autant physiques que mentales. C'est une révolution dans un monde cinématographique où depuis le début du cinéma perdure l'idée du héros sauvant la belle princesse en détresse.


Cette survivante est au départ plus faible que le tueur. Elle est asexuée. Ripley a eu une vague aventure avec le capitaine du Nostromo; mais son genre n'est pas mis en avant pour autant. Ainsi, elle se montre plus perspicace que les autres membres de l'équipage, et si cela n'avait tenu qu'à elle, le Nostromo n'aurait jamais abordé une planète inconnue et elle aurait pu passer les meilleures vacances de sa vie avec sa fille. Elle sent le danger.


(Voir les travaux de la chercheuse Carol Clover qui a conceptualisé la notion de "dernière survivante").


L'Alien représente, quant à lui, la quintessence de l'image du tueur, du violeur, de la masculinité toxique. C'est un monstre qui utilise sa tête en forme de phallus pour tuer ses victimes. On retrouve tout au long du film la métaphore du viol. L'Alien et sa tête poursuit l'équipage et l'extermine. Seul survit Ripley car elle est asexuée.


Ripley est pour moi la première véritable héroïne féministe du cinéma. Elle fait montre de qualités dont on excluait jusque là les femmes: calme, intelligence, force... Elle est au centre de l'action, qui met le monstre à la marge. Aussi, en tant que spectateur, on ne peut que s'identifier à elle. Alien, le 8ème passager a permis de changer le regard notamment masculin. La victoire d'une femme oblige le spectateur masculin à revoir son point de vue sur la notion de pouvoir. Seul survit l'unique personne née femme de l'équipage - la navigatrice Joan Marie Lambert est née homme -.


Ellen Ripley incarne désormais l'archétype de la femme puissante. Or, c'est par hasard qu'elle est la seule survivante. Merci à Alan Ladd Jr même s'il n'a pas perçu la force de son acte en demandant de transformer Ripley en femme. D'ailleurs, le prénom n'est jamais évoqué par les autres protagonistes. On s'appelle par son nom de famille sur le Nostromo. Le personnage de Sigourney Weaver, actrice en devenir - elle n'est pas la tête d'affiche - , va au delà de la simple "final girl". Cette dernière apparaît jusque là comme un être fragile qui surpasse sa peur primale pour se surpasser. Or, dans Alien, le 8ème passager, nous avons un équipage mixte où les rôles sont interchangeables. Ainsi, la navigatrice pourrait bien être un navigateur. Dallas pourrait être une femme. Sigourney Weaver, par sa taille et son allure athlétique, renverse le code de la survivante finale. Son personnage se montre aussi capable que ses acolytes et plus encore. Elle fait preuve d'intelligence, de sérieux et de compétence dans une situation désespérée. Elle ouvre la voie à des héroïnes telle que Sarah Connor









Créée

le 13 mai 2024

Critique lue 3 fois

SebastienTalvas

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