Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.

Dans Alien, Ridley Scott signe un film d’horreur absolu, froid, organique et terriblement humain. Dès les premières minutes à bord du Nostromo, tout est pensé pour l’immersion : les couloirs sombres, les respirations mécaniques, la lenteur hypnotique des plans. On entre dans un cauchemar sans s’en rendre compte, comme l’équipage, d’abord paisible, bientôt dévoré par l’inconnu.


Ce qui fascine, c’est la maîtrise de Scott : il prend le temps de poser ses personnages, leur quotidien trivial, leur hiérarchie, avant de distiller, avec une précision clinique, la peur et la tension. Chaque son, chaque lumière participe à ce climat d’étouffement. L’espace devient paradoxalement clos, labyrinthique, un ventre métallique d’où nulle issue n’est possible.


L’horreur naît moins du monstre que de l’attente. Scott cache l’Alien, l’évoque à travers des bruits, des ombres, des traces, et c’est dans ce non-dit que la terreur s’installe. Le monstre, symbole de perfection biologique, est aussi la négation de l’humanité : sans émotion, sans faiblesse, il renvoie aux personnages leur propre fragilité. À travers lui, le film questionne la frontière entre la nature et la technologie, l’humain et le mécanique.


La mise en scène, d’une précision chirurgicale, alterne les longs plans suspendus et les mouvements rapides, presque instinctifs, au moment de la panique. L’Alien devient le miroir d’une peur primitive, celle de l’inconnu, du corps, de la mort. Et au milieu de ce chaos, Ripley, magistrale Sigourney Weaver, s’impose comme l’incarnation de la survie, de la raison face à la terreur.


Visuellement, le film n’a pas pris une ride : les décors de Giger, la texture industrielle du vaisseau, la moiteur des conduits, tout participe à cette impression d’être pris au piège d’une créature vivante. La bande originale de Jerry Goldsmith, à la fois stridente et contenue, renforce encore cette tension continue, jusqu’à l’apnée.


Avec Alien, Ridley Scott a créé bien plus qu’un chef-d’œuvre de science-fiction : un pur moment de cinéma sensoriel, une plongée dans l’effroi métaphysique. Dans le silence de l’espace, l’homme découvre qu’il n’est plus le sommet de la chaîne.


On notera que la version Director's Cut n'apporte pas grand chose, deux séquences seulement, et le montage favori de Ridley Scott a toujours été celui cinéma.

Docteur_Jivago
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Films, 111 pour l'éternité, Une année, un film !, Les meilleurs films de science-fiction et Les meilleurs films de Ridley Scott

Créée

le 5 oct. 2014

Modifiée

le 23 oct. 2025

Critique lue 1.7K fois

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

63
22

D'autres avis sur Alien - Le 8ème Passager

Alien - Le 8ème Passager

Alien - Le 8ème Passager

le 11 juin 2012

Mother ! You bitch !

L'un des inqualifiables nombreux manques à ma culture cinématographique est comblé. J'ai enfin vu Alien. Je redoutais cette confrontation avec ce monument annoncé. Fanatique absolu de Blade Runner,...

Alien - Le 8ème Passager

Alien - Le 8ème Passager

le 2 janv. 2013

La belle et la bête

Les aléas de mes acquisitions de films me font terminer ma rétrospective Alien par le tout premier. Je perds probablement en cohérence, mais je gagne au moins le mérite de mes nettoyer les yeux de...

Alien - Le 8ème Passager

Alien - Le 8ème Passager

le 5 mai 2017

Cannibal Kingdom

Alien n’est pas seulement l’acte de naissance d’une créature phare de la mythologie hollywoodienne : c’est aussi l’éclosion d’un cinéaste, qui fait pour ce second film des débuts éclatants avant un...

Du même critique

Gone Girl

Gone Girl

le 10 oct. 2014

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

American Sniper

American Sniper

le 19 févr. 2015

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

Star Wars - Le Réveil de la Force

Star Wars - Le Réveil de la Force

le 1 janv. 2016

Un réveil honteux

Fervent défenseur de la trilogie originale et de la prélogie, dont l'impact sur ma jeunesse a été immense, l'idée que Disney reprenne cette franchise m'a toujours fait peur, que ce soit sur le rythme...