Le projet en lui-même était casse-gueule : réaliser un portrait (à la fois fidèle et romancé) de la vie de la plus grande chanteuse du monde qu'est Céline Dion en lui modifiant son patronyme et en lui donnant les traits d'une actrice et humoriste française qui l'interpréterait à tous les âges de sa vie (en tentant donc de reproduire son accent québécois et ses mimiques). Ce pari osé ne pouvait qu'être une mauvaise idée sur le papier et c'est bien pour cette raison qu'au sortir de la salle de cinéma un étrange sentiment de surprise agréable nous traverse. Comment Valérie Lemercier a-t-elle donc pu créer un film juste et touchant sans tomber dans les terribles affres du biopic ? La réponse à cette interrogation se situe justement dans l'intention initiale de la réalisatrice/actrice dont l'amour pour la chanteuse transperce l'écran.
Ce qui comptait pour Valérie Lemercier c'était d'abord et surtout de raconter la vie de Céline Dion au prisme de son amour pour René (ici Guy-Claude) et c'est précisément par ce biais que la cinéaste réussit à retransmettre sa propre admiration pour la chanteuse. Il ne s'agit pas seulement ici d'un déploiement de faits et d'événements concernant le personnage biographié, comme c'est le cas dans beaucoup de récents biopics, mais plutôt d'une représentation d'une très grande tendresse pour tout ce qui gravite autour de la star. Ses joies et ses peines sont livrées aux spectateurs avec la plus grande des générosités, parfois excessivement mais de manière toujours juste, et c'est bien l'interprétation de Valérie Lemercier qui en est la qualité première. En effet, le pouvoir tragi-comique de la comédienne donne au personnage d'Aline une force à la fois grave et frivole et qui concède donc une certaine nuance, recherchée, au film. Parallèlement à la performance de l'actrice, le ton d'Aline permet une nouvelle fois au film d'élever les spécificités de son caractère biographique. Effectivement, Aline oscille en permanence entre premier et millième degré, entre sérieux et frivole et c'est précisément la grande force du film : ne pas se prendre au sérieux tout en révélant un grand dévouement pour raconter la vie d'une star adorée.
Lemercier, qui tient là son meilleur film, déjoue donc toutes les attentes grâce à la tendresse qu'elle porte à son personnage et à celle qu'il est censé représenter. La dernière séquence, la plus belle du film, apparaît alors comme un feu d'artifice où Aline/Céline/Valérie se révèle à travers la performance entière et formidable de la chanson "Ordinaire" qui nous prouve une fois de plus que ce film n'a justement rien d'ordinaire.