Cure de désintox

Hier soir, comme tous les soirs je me décide à regarder un film, c'était soit Black Mass (le dernier Johnny Depp) soit Sicario. J'écoutais tranquille de la musique sur Youtube en pesant le pour et le contre des deux films. Un vrai choix cornélien. Et là BAM !!
Mon oreille saigne. Je comprends pas. Je suis interloqué. Je me dis qu'est ce qui se passe. Vraiment. Je change d'onglets et je m'aperçois que j'écoutais une des "chansons" qui a été primé aux fameuses Victoires de la musique 2016. Gros mal de crâne qui arrive. Et là, révélation ! La cause de tous mes maux est simplement une bouse musicale à la limite du raisonnable et vraiment peu recommandable pour des gamins tant c'est mauvais.
Je décidai donc de me faire une cure et de voir ce à quoi ressemblait initialement de "la bonne" selon nos profs de musique à l'époque.
La musique classique est, dirait-on, plus vraiment dans l'air du temps. C'est un fait.
Hier soir, j'ai donc maté "Amadeus".
Un film extraordinaire. Parfaitement construit autour de l'histoire de Mozart, un jeune virtuose, il parait.
De mon oeil, plutôt de mon oreille, de novice, je ne comprenais pas quand ils nous disaient que c'était le plus grand compositeur de l'histoire etc... Je me suis donc attelé à ce visionnage, un peu à reculons car 3 heures faut se les farcir. Mais dès la séquence d'intro j'étais subjugué. On rentre in media res par l'intermédiaire d'un type qui hurle à la mort. "I killed Mozart !!" dit il.
On sait dès les premières secondes qu'on va regarder un bête de film.
Le long-métrage de Milos Forman (le papa de "Vol au dessus de coucou", excusez moi du peu) est toujours juste, sans fioriture, doté d'une intrigue simple sans être simpliste avec une efficacité qui fait kiffer. Honnêtement.
Toujours rythmé, sans véritable temps mort, le film conte la relation passée entre Salieri, le compositeur de la cour, et le jeune Wolfgang, un type vulgaire et spontané, qui fait tâche au sein du haut de l'échelle sociale viennoise.
Loin d'être un film sur la musique, c'est un film sur un homme prétentieux et passionné par la musique, surtout la sienne d'ailleurs. En même temps, comment reprocher au meilleur de dire que c'est le meilleur ?
Effectivement, les mots paraissent faibles quand il s'agit de qualifier "celui qui a écrit son premier concerto à 4 ans".
Dans un même temps, Tom Hulce, qui l'interprète à merveille, réussit à dégager ce côté moderne, anti-conformiste, du personnage. A l'image de sa première apparition où on le voit courir comme un gosse de 8 ans derrière une fille dans une soirée mondaine et lui déclarer sa flamme en verlan. Si, si en verlan. Au 18ème !
Progressivement, et par d'habiles processus narratifs, Salieri nous explique pourquoi il en veut autant à "Wolfie". On ne jalouse que ceux qu'on aime ?
En définitive, j'ai rarement vu au cinéma une ambivalence aussi intéressante que celle ci. F.Murray Abraham réussit une prestation fabuleuse, toujours sur le fil, tout à fait justement, pour insuffler de la meilleure des manières au spectateur le souffle d'un homme tiraillé et meurtri.
Finalement Amadeus raconte l'histoire d'amour d'un homme qui aime un autre. Mais comme dans toute love story qui se respecte, le pilier du film est concentré sur la fascination et la répulsion, à un point tel que le spectateur lui même ne sait plus quoi penser du génie Mozart.
Pendant 3 heures on est emporté dans un tourbillon d'émotions -que seul le cinéma nous provoque- avec pour toile de fond les relations entre les classes sociales de l'avant 1789 et le non rapport de force qui a lieu grâce à la musique. Prodigieux.
Mention spéciale au climax du film, où les deux personnages travaillent main dans la main à l'élaboration du fameux Requiem Lacrimosa, l'un des morceaux d'anthologie de la personne la plus créative, la plus douée que la musique ait jamais connue :
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

Oh oui, mon oreille était guéri pour de bon...

https://www.youtube.com/watch?v=fHB4HkuSXbo&index=18&list=PL8B395B1BB49D49B7