[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]
Je ne comprenais pas ce titre : America. America ne montre pas les États-Unis, seulement un visage des États-Unis, un visage très particulier, celui des habitants de Seligman, petite ville du fin fond d'Arizona. Ce titre me semblait même assez malvenu : résumer une population de 300 millions de personnes très diverses à ces quelques rednecks... Et puis, j'entends Donald Trump scandant « make America great again », et puis je vois ces champs de drapeaux américains... Et America parvient alors à me faire réfléchir sur ce que ça veut dire, « l'Amérique », « les États-Unis » ; je me dis que justement, c'est beaucoup trop divers pour que l'on puisse imaginer montrer dans un film « ce que c'est que les États-Unis », ou « qui sont les Américain-e-s »... tout en étant frappé par la façon dont ce concept un peu vide de sens fédère, à quel point les habitant-e-s de Seligman, loin de tout et guère impacté-e-s par ce qui se passe Washington (... sauf en cas de modification du deuxième amendement, enjeu central à cette période électorale), s'en réclament cependant. La façon dont le rêve américain de self-made-wo-man persiste chez les immigré-e-s (mexicain-e-s et indien-ne-s ou pakistanais-e-s) tandis que les locaux pure souche, se contentant de siroter des canettes de bière sur un transat, n'en retiennent guère qu'un imaginaire de western, m'a également amusé et fait réfléchir.
De la même manière, j'ai trouvé le montage des différents entretiens assez habile. Le début du film m'a mis plutôt mal à l'aise : on nage dans le cliché des fous et des folles de la gâchette qui se prennent pour des cowboys (en se demandant pour ma part ce qui relevait de la partialité du réalisateur, français, Claus Drexel, et ce qu'il pouvait y avoir de vrai là-dedans). Et puis, au fur et à mesure, le montage laisse ces gens s'exprimer, et l'on découvre des personnes sensées, sensibles, et qui manifestent sur le sujet des armes à feu, en plus d'une connaissance pointue, une rhétorique plutôt solide. Le cadrage, large, qui montre les gens en entier et avec leur environnement, en général assez signifiant, va aussi dans ce sens. À la fin du film, je comprends l'attachement qu'iels peuvent avoir à leurs fusils (même si la comparaison avec le Canada me convainc toujours qu'il vaut mieux une société sans armes qu'avec), qui les ont accompagné-e-s dans leurs parties de chasse depuis l'enfance, qui les font se sentir en sécurité bien plus que la police dont la station la plus proche est à deux heures de route, et beaucoup voudraient se contenter de ça, leurs carabines de chasse, et verraient d'un bon œil l'interdiction des fusils mitrailleurs chers aux mass murderers...