Deuxième visionnage pour ce film réputé. Et c’est une déception.
La force du film réside essentiellement dans l’ambiance, l’émotion omniprésente et dans cette opposition entre la colère et la joie. On nous propose des ralentis solennels, des paysages naturels, des images de l’enfance innocente, la purification par la douche…
La passion l’emporte sur la raison. Sur ce point, le film est puissant. Il semble qu’il tente d’éviter un piège pour mieux plonger dedans. Le moralisme. Cette bonne vieille morale chrétienne : on te frappe tends l’autre joue. On cache les problèmes réels derrière de la psychologie, de l’émotion, de la morale, bref des bons sentiments. Certains disent que le film ne s’attaque pas au nazisme et montre même que les nazis avaient une réflexion. Avons-nous vu le même film ? On nous montre quoi ? Un skin qui baise de manière viril (euphémisme) sa gonzesse alors que son petit frère est à côté, un gros lard complètement idiot et vulgaire dans un van pourri, un grand gourou planqué qui manipule des jeunes alcooliques et violents à outrance. Donc c’est certain on nous présente ici une réflexion poussée sur le fonctionnement politique du nazisme et sur son idéologie…

De plus, quasiment tous les blancs du film sont des skins, pourquoi des skins ? Les problèmes des banlieues concernent dans l’immense majorité des blancs lambda qui n’ont rien à voir avec le nazisme. Donc dès le départ ce prisme me parait biaisé et inutile pour le sujet de fond à savoir la ségrégation sociale et ethnique.
Ensuite, dire que la haine n’apporte rien hormis la haine c’est mignon mais c’est surtout facile, aussi facile et bidon que de dire le pacifisme apporte la paix… Bonjour 1938 et les accords de Munich. Donc cette conclusion simpliste est niaise et sans intérêt. Deuxième conclusion : Occupe-toi de ta vie et pas de la politique. Merci, sauf que la vie que l’on mène au quotidien dépend directement de la politique. Les questions politiques liées à la justice par exemple auraient pu être évoquées. Au lieu de dire la vengeance appelle la vengeance, comme on le voit si souvent dans les films, le propos pourrait porter sur l’inefficacité et la partialité du système judiciaire américain, qui peut expliquer voire rendre légitime l’acte de vengeance privée des communautés qui se sentent lésées. Les gens se font justice eux-mêmes car l’Etat n’est plus en mesure de la rendre correctement.
Par ailleurs, le film n’apporte pas de réponses ni même de réflexion quant aux problèmes énoncés dès le début : les violences dans les banlieues et la ségrégation omniprésente. Les tensions culturelles propres au multiculturalisme américain sont évacuées de la réflexion par les considérations sociales et psychologiques. Pourtant les habitants ne vont pas vivre au milieu de personnes avec lesquelles ils n’ont pas d’affinités culturelles. Le problème des tensions culturelles est bien réel : quel système de valeurs adopter ? Quelle langue ? Quels codes ? C’est un vrai débat et non quelque chose qui relève du fantasme. Les personnes qui vivent dans les quartiers possèdent toutes des racines un héritage culturel, des traditions et des modes de pensées liées à une communauté et qu’ils souhaitent préserver.
L’influence croissante de la culture latinos au sud des Etats-Unis inquiète les texans. Peut-on leur jeter la pierre ? Les nouveaux migrants arrivés avec l’aide des remesas envoyées par leur famille viennent prioritairement s’installer dans les quartiers de leur communauté et conforte ainsi le processus de ségrégation. Peut-on leur jeter la pierre ? Les plus riches (bobos qui donnent des leçons de tolérance) s’installent dans les quartiers sûrs et sécurisés de la ville centre et scolarise leurs gamins dans les écoles privées car ils veulent le meilleur pour leur enfant. Peut-on leur jeter la pierre ?
Pourtant tous participent au même phénomène de ségrégation.
Résumer cela à des problèmes sociaux et familiaux me semble trop réducteur. Même l’aspect économique de ces tensions est à peine évoqué. La psychologie est utilisée à outrance (le gamin traumatisé par la mort de son père en quête de virilité, le sentiment de culpabilité du grand frère à la fin du film…). Les vrais problèmes de fond de la société américaine sont soigneusement évités (la libre circulation des armes, les trafics de drogues, le nombre des migrants clandestins, la ségrégation extrême des métropoles alors que la société américaine est une des plus cosmopolites). Ainsi, il existe de plus en plus de riches quartiers fermés (gated communities) et de ghettos noirs. Les américains se séparent de plus en plus car ils ne veulent pas vivre ensemble. Que cela soit sur le plan social ou ethnique. Pourtant l’élection de Trump prouve que tous ces enjeux sont biens d’actualité.
Je ne reviens pas sur les facilités scénaristiques notamment le changement radical de personnalité lié à la prison qui est caricatural.
Alors oui j’attendais autre chose du film, j’attendais de la subtilité et de la réflexion et non du sentimentalisme et de la psychologie pour ados en manque de repères.

josey-
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le 7 janv. 2017

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