Une étoile brille au sein d'une Amérique désenchantée

Prix du jury au festival de Cannes 2016, American Honey débarque enfin sur nos écrans. La réalisatrice anglaise Andrea Arnold; déjà responsable de Fish Tank; va nous plonger durant 2h43 dans l’Amérique profonde, avec comme héroïne une actrice non-professionnelle sublime Sasha Lane.


Star (Sasha Lane) est une jeune femme en rupture familiale dans un trou perdu des états-unis. Elle va faire la rencontre de Jake (Shia LaBeouf), lui proposant un emploi au sein de son équipe sillonnant les routes en vendant des abonnements à des magazines. Sous le charme de ce jeune homme, elle va embarquer avec eux et échapper à une vie sans avenir.


Star attendait le prince charmant pour fuir son patelin de rednecks où le drapeau confédéré trône dans le salon. Elle va se retrouver au sein d'une bande de white trash passant leurs temps à écouter de la trap en fumant de la weed et en buvant de l'alcool. Cette jeunesse est désenchantée, elle veut faire de la thune en travaillant sous la coupe de Krystal (Riley Keough), une sorte de maquerelle les exploitant en profitant de leurs naïvetés et stupidités. Ils se sentent libres, mais doivent respecter des règles. Ils sont dans un état second permanent, en décalage avec la réalité et s'enthousiasmant devant des gratte-ciel ou des immenses maisons situées dans les banlieues bourgeoise et catholique. Ils sont en pleine découverte de leur pays à bord du van, avant de passer leurs nuits dans des motels poisseux. Cette vision de l'Amérique est sale mais réaliste. On va s'attacher à Star, en espérant qu'elle ne va pas tomber dans les divers pièges se trouvant sur son chemin.


C'est long (2h43), chaotique, prétentieux et pourtant on est en empathie avec Star (éblouissante et talentueuse Sasha Lane). On ne veut pas la lâcher, on a même envie de la protéger, de l'aimer et de lui demander quel est son rêve. La caméra d'Andrea Arnold, nous permet d'être en immersion dans cette bande. Cette proximité créait un attachement face à la sincérité de ce casting se composant presque uniquement de non-professionnels. Une vérité se retrouvant aussi dans la performance de Shia LaBeouf, se fondant dans cette troupe d'improvisation avec une facilité déconcertante. La révélation de la meilleure série de 2016 Girlfriend Experience, Riley Keough est une grosse connasse de compétition. Elle a la capacité de taper fortement sur les nerfs et ne va pas se gêner pour nous agacer à chacune de ses apparitions. Il faut la voir s'exhiber dans un maillot aux couleurs du drapeau confédéré pour comprendre l'aversion qu'on ressent à son encontre. Elle représente cette Amérique white trash se déhanchant sur des beats trap incantantoires, tout en exécrant la communauté afro-américaine, asiatique, hispanique, bref tout ce qui n'est pas blanc....


Le chemin est plus important que la destination. On partage un moment dans la vie de Star, à travers cette parenthèse d'apparente liberté. Elle découvre l'amour, l’Amérique, l'argent et la violence, parfois à son détriment. Sa naïveté ou son absence de peur, lui permet de partir avec n'importe qui sans se poser de questions, avant d'en subir les conséquences mais en restant maîtresse de ses propres choix. On a peur que cela dérape à tout moment. On va frémir avec elle et être aussi épris que Jake de sa candeur et beauté. Sa soif de liberté et sa curiosité est immense, elle découvre le monde avec des yeux d'enfant en se laissant porter par ses émotions. Elle est pleine de contradictions, mais on sent sa sincérité et son envie de faire plaisir à chacun malgré un caractère difficile, du moins en apparence. Chacun joue un rôle, que ce soit lors des ventes ou dans leurs rapports avec la bande. Ils n'attendent rien de la vie, sauf de l'argent.


On ne va pas s'ennuyer durant 2h43, même si on se demande parfois quelle est la pertinence de tel plan ou situations. On est sous le charme de la révélation Sasha Lane et on a pas envie de la quitter. Cette errance sans perspective d'avenir est hypnotisante et finit par séduire malgré quelques répétitions.

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le 10 févr. 2017

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Laurent Doe

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