Amour... qui porte si bien son nom
Amour... film qui porte si bien son nom.
Il est difficile de trouver les mots justes pour décrire ce film, la manière dont il nous touche... car s'il n'atteint pas tout le monde de la même manière, je défie quiconque de ressortir de la séance indifférent...
En effet, le thème est universel: l'amour, la façon dont celui-ci survit à la vie, la vieillesse, la maladie... Et il s'agit bien de l'amour, celui avec un grand A, celui du titre si audacieux de Michael Haneke. Cet amour qui s'exprime par les actes et non seulement par la parole, ces regards échangés entre Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant qui expriment tout, mais aussi ces gestes si affectueux ( Georges bouleversant lorsqu'il fait faire ses exercices de réeducation à Anne).
Les dialogues sont si justes, si naturels: Georges raconte la première fois qu'il est allé au cinéma seul, et la fierté qu'il en a ressenti, Anne qui s'enthousiasme après le concert d'un ancien élève... Nous partageons la vie de ce couple et ne sommes pas seulement spectateurs, nous faisons bel et bien partie intégrante du film, car cette histoire ne peut que nous rappeler nos parents, nos grand-parents, nos espoirs comme nos peurs.
En effet ce film est à double tranchant, il peut soit vous affoler devant la possibilité de perdre un être cher, un être indispensable, voir cet être diminué, humilié, le voir régresser physiquement et mentalement... Ce qui constitue une épreuve absolue.
Ou alors vous ressortez de ce film en ayant une seule envie: aimer, aimer, aimer. Aimer un être autant que Georges et Anne s'aiment, être capable de tout jusqu'à le soulager de ses souffrances, quitte à ne pouvoir vivre sans lui...
Et c'est en cela que Michael Haneke délivre son film le plus ambivalent selon moi. Il est différent de Funny Games ou encore le Ruban Blanc, car l'atmosphère étouffante du film n'a plus du tout la même portée.
Ici c'est un huis clos, avec un personnage à part entière: l'appartement, ses portes, ses longs couloirs, ses recoins... Tous ces espaces qui ont constitué la vie des deux personnages et qui maintenant représentent l'impasse dans laquelle ils se trouvent.
Ce sentiment oppressant d'impuissance face à la mort, la perte de nos capacités, etc, est accompagné de tant d'amour de la part des personnages, de souvenirs évoqués que cette sensation de confinement s'en trouve allégée. Pour finir sur l'appartement, celui-ci a été crée selon les plans de l'appartement viennois des parents d'Haneke, et là encore ce n'est pas une coïncidence, on sent le caractère personnel de ce film.
Et enfin que dire de ces acteurs ??? Moi qui suis une fan de Mads Mikkelsen, je trouve que Jean-Louis Trintignant aurait mérité le prix d'interprétation... Il est bluffant de sincérité et de sensibilité. Autant Emmanuelle Riva est fantastique dans sa performance principalement physique (à travers son handicap), autant Jean-Louis Trintignant est bouleversant dans le rôle de celui qui reste, ce garde malade au regard doux qui fait tout pour soulager la souffrance de sa femme. Et quelle souffrance, l'humiliation de la régression, de la dépendance, si cruellement montrée à travers cette infirmière incompétente... Et Isabelle Huppert n'est pas en reste, malgré ses apparitions discrètes.
Mon coeur s'est serré en voyant les scènes entre Jean-Louis Trintignant et Isabelle Huppert, surtout quant on sait qu'il ne se remet pas du décès de sa fille...
Bref, ce film est fort, dur, mais nécessaire. Car à aucun moment le film ne sombre dans le voyeurisme ou la vulgarité. Chaque scène est essentielle ( notamment ce magnifique cauchemar) et la mise en scène sobre ne rajoute aucun misérabilisme, ce qui est indispensable pour un tel sujet.
Michael Haneke et Amour méritent donc amplement leur palme d'or, car c'est très rarement qu'on assiste à un cinéma d'une telle qualité, qui nous renvoie si bien à nos propres vies.