Synopsis : Gia (1998), réalisé par Michael Cristofer, plonge dans le destin tragique de Gia Carangi, une jeune mannequin au charisme sauvage qui révolutionna l’industrie de la mode à la fin des années 1970. Le film débute avec son arrivée naïve mais ambitieuse à New York, où elle est rapidement repérée par l’agent Wilhelmina Cooper (Faye Dunaway). Son style androgyne et son audace en font une star, mais derrière les clichés de Vogue et les défilés, Gia sombre dans la dépendance affective et la toxicomanie. Ses relations tumultueuses – notamment avec la photographe Linda (Elizabeth Mitchell) – et son rejet des conventions précipitent sa chute, alors que le sida émerge en toile de fond.
Critique (7/10) : La performance d'Angelina Jolie livre une incarnation bouleversante de Gia, captant à la fois sa rage de vivre et son autodestruction. Elle maîtrise les nuances du personnage : tantôt vulnérable comme une enfant perdue, tantôt provocante comme une punk rebelle. La scène où elle se met à nu émotionnellement devant l’objectif, ou celle de son overdose dans un motel sordide, sont des moments d’une intensité rare. Jolie ne joue pas Gia – elle est Gia, au point que la frontière entre l’actrice et son rôle semble disparaître. La photographie de Gia épouse son parcours : les séances photo glamour (clin d’œil aux clichés réels du photographe Francesco Scavullo) contrastent avec les scènes de descente aux enfers basculent dans des tons bleutés et des cadres étouffants. La bande-son, entre disco euphorique et mélopées mélancoliques, renforce ce contraste. En revanche, le film élude des aspects clés de la vie réelle de Gia : son enfance marquée par la violence parentale, son lien complexe avec sa mère, ou encore son rôle pionnier dans la visibilité lesbienne. La relation avec Linda est édulcorée, et la fin – bien que poignante – simplifie les circonstances de sa mort (le film suggère une overdose, alors qu’elle succomba au sida). Ces choix dramaturgiques servent le récit, mais affaiblissent la portée documentaire. Il y a aussi un regard critique sur la mode, Gia dénonce implicitement l’industrie de la mode : "machine à broyer les âmes". Les scènes où les mannequins sont traités comme du bétail, ou où Gia est rejetée dès que son visage marqué par la drogue ne correspond plus aux standards, restent glaçantes. Le film anticipe les débats actuels sur les pressions psychologiques du milieu.
Gia n’est pas une biographie fidèle, mais un portrait impressionniste d’une icône sacrifiée. Malgré ses libertés historiques, il transcende le genre grâce à la performance électrique de Jolie et une mise en scène audacieuse. À voir comme une tragédie moderne sur le prix de la gloire, plutôt que comme un documentaire. Son 7/10 reflète cette dualité : un chef-d’œuvre émotionnel, mais un biopic incomplet.