Fiction ou réalité ?

Je déteste les documentaires criminels. Moins à cause de la fascination pour les faits divers - que je préfère oublier - que pour leur narration plan-plan, qui agence a posteriori preuves, témoignages et notes de synthétiseur pour guider un spectateur satisfait vers l’affreuse, mais indiscutable vérité.

C’est tout le contraire dans ce film : la machine judiciaire nous embarque, et la destination est incertaine. Quand la barrière de la langue empêche, quand les témoignages des experts scientifiques se contredisent, que le seul témoin présent lors des faits est l’enfant de la victime et du présumé coupable, qu’il est malvoyant, que ses souvenirs sont fluctuants… Que croire ? Qu’est-ce qu’il me reste, à moi, pauvre spectateur ? Mes convictions et mes fantasmes à questionner ; et 2h30 pour succomber à l’inconfortable plaisir de douter.

Il me reste la fiction et sa mise en scène. Dans une salle d’audience, où les témoins et les avocats déposent leur vérité dans la balance de la justice, qui penche, à droite, puis à gauche. De brillants acteurs, auxquels la voix de la défunte victime donne la réplique. Mais pour défendre qui, et quoi ? Peut-on en savoir plus ? Et où s’arrête le crime, d’abord ?

Car je le vois dans les plans de la réalisatrice, mais il disparait dans le silence de l’écrivain. Alors, quoi, tout est subjectif ? Je ne sais plus quoi penser. Peut-être qu’ils se moquent de moi, tous, et j’ai peur d’être un peu fasciné, finalement. Alors, s’il faut choisir, je décide d’être le chien docile, qui pardonne le coupable et réconforte la victime. Le toutou qui s’abstient de juger, et qui chaque nuit dort tranquille.