Un pputain de livre

Des murmures catalans caressent le silence, au milieu d’une foule sans âge, je contemple les rayons du soleil qui percent les vitraux de la Sagrada Familia. C’est magnifique, grandiose, qu’on m’a dit. Un foisonnement de couleurs, des motifs généreux, et puis cette envergure ! Mouais ; c’est imbitable, bordélique, les coloris sont agressifs … Je fais la moue.

Et si j’étais trop près ? Peut-être qu’à bonne distance ces pièces de verre me dévoileraient leurs secrets. J’essaie, je recule. Lentement. Encore. Ah : des formes apparaissent ! Un magasin d’antiquités, une bibliothèque, un violon, un cowboy. Un cowboy ? On se fout de moi. Je m’éloigne et manque de bousculer un visiteur, un enfant, un vieillard, je sais pas ; je suis absorbé, je veux résoudre le mystère, décrypter ces lignes, pénétrer ces couleurs.

Mon regard englobe désormais la paroi et le projet de l’artiste prend tout son sens ; toute sa vie est là, toutes ses vies, même. Et c’est somptueux. Je nais, je grandis ; je m’instruis, j’aime et je ris ; je souffre, je pleure, j’oublie. Je vieillis. J’oublie. Il en fallait de l’audace pour mener un tel oeuvre ! Pour créer ses propres règles narratives, cacher la cohérence dans le chaos, et servir un propos exigeant. Était-ce trop ambitieux ? Peut-être ; mais c’est presque parfait. Intensément humain. Bravo.