Angèle
5.9
Angèle

Documentaire de Sébastien Rensonnet et Brice VDH (2021)

Voir le film

Ça commence à faire quelques années que le nom d'"Angèle" se fait entendre et que ses chansons font parait-il un tabac à la radio, à la télé et dans des shows mégalos ou intimistes, je n'avais pourtant jamais tendu l'oreille pour avoir une idée du personnage et de sa musique. Devant l'incessante relance du torchon "le soir" quant à en faire une idole, je me suis finalement documenté...


Et là, patatras, le moment coïncide avec la sortie du film qui lui est consacré: "Angèle" et qui va tenter de nous vendre l'image qui se doit d’être véhiculée pour qu'existe une jeune star belge populaire et internationale.
Le challenge est de faire coller son personnage avec l'attente de toutes les petites et jeunes filles, que toutes veuillent être "Angèle", que toutes aient préféré être "Angèle". De son coté, la star doit montrer qu'elle est au fond d'elle toutes les petites et toutes les jeunes filles du monde.


Angèle commence en se demandant ce qu'elle fait là, au sommet de la gloire nationale (?) "Pourquoi moi ?", "Je ne sais pas par quel hasard (?)" et sa naïveté trop évidente peut vite être écartée: elle sait très bien ce qu'elle fait là puisqu'elle est le fruit de l'union de Laurence Bibot, une comédienne et show-woman belge qui incarnait la présence féminine dans l'équipe des "snuls", un show-télé de Canal+ Belgique durant les '80s et de Marka, un chanteur belge, ex-membre du groupe "Allez allez" (1981) qui a connu un certain succès sur la vague "new-romantic" et à continué une carrière très professionnelle avec par exemple à son actif "l'hymne de l'équipe de foot nationale" et du générique pour RTL...


Angèle, tout comme son frère "Roméo Elvis", rappeur reconnu et adulé, tous deux ont étés sculptés de la main des parents et de toutes sortes de professionnels pour incarner précisément ce qu'ils incarnent chacun/e à sa façon au mépris de feindre le bon vieux gros cliché. Et il se trouve que les médias belge ont érigé la demoiselle en gloire nationale, en balance avec Stromae.


Les débuts d'Angèle à l'écran dateraient de 2019 (dixit wikipedia), pourtant, on peut voir furtivement passer dans ses archives présentées en 2021 une image de "Peau de cochon" (Phillipe Katerine 2003) où une petite fille de 6 ou 7 ans affabule une histoire en faisant sa petite princesse...
Les enfants ont vraisemblablement vécus dans un environnement de professionnels du spectacle et de la production, poussés à la pratique musicale, pourris gâtés des meilleurs instruments et sans doute sous parfait contrôle de tout dérapage vers quoi que ce soit (d'intéressant) qui les en éloigne durant l'adolescence.
Ni elle, ni lui ne feront jamais un pas de travers en tant qu'esclave du show-business et de sa hiérarchie et en contre partie, une grande liberté leur est offerte quant à palabrer dans la grossièreté, la provocation, la contradiction et le foutage-de-gueule (par-exemple, l'énorme logo "doigt-d'honneur" derrière elle doublés de ceux qu'elle lance au publique).


Angèle a été gavée de cours de musique et de matos durant toute son enfance, la presse officielle est à fond les taquets, on jurerait une réincarnation de Mozart en personne. Cependant, on ne peut pas vraiment dire qu'elle révolutionne la musique, ni que sa voix casse des briques. Elle est plutôt de l'école gainsbardienne où le suave, le demi-chuchotement l'emporte sur l'audace et le coffre. Coté compos, c'est très pro mais je ne comprends pas trop ce qui la sort du lot (?) On la voit bosser avec une sorte de conseillé artistique qui en dit certainement plus que ce qui est dévoilé à l'écran et qui bosse vraisemblablement sur les arrangements et la production. Mème si elle fait sans doute très bien ce qu'elle fait, elle ne s'est pas faite toute seule comme elle tente de nous le faire gober.


Pour être à la hauteur des attentes médiatiques, elle a fait son coming-out lesbien en 2020 et se revendique bi, ce que je lui accorde. Mais au fond, qu'est-ce qu'on s'en fout de ses affiliations sexuelles ? Qui plus est, la tournure des événements en a fait une féministe, une activiste du "balance ton porc" qu'elle a détourné en "balance ton quoi ?" (porc ou cul ?) pour devenir emblématique de cette mouvance post-femeniste. Quelques années plus tôt, elle posait pour play-boy qui allait ressortir un cliché mi-nue en un mini-scandale qui la laissera toute dépitée. Que de naïveté vu que sa maman incarnait "Miss Bricola" qui jouait l'assistante sexy en Bunny-play-boy et que, au vu des archives, la jeune Angèle se vautrait dans le narcissisme plutôt que de se cultiver.


Aujourd'hui, la voilà clairement engagée pour sauver sa grand-mère (personne qui se montre aussi sous parfait contrôle de son image, qui préfère avoir l'air tarte que de dire ce qu'elle pense et qui ferait froid dans le dos) et toutes les grand-mères en gardant ses distances. Néanmoins, pour signifier au spectateur que c'est le matin et au réveil, elle se frotte compulsivement le visage et les yeux durant toute une séquence d'interview. Il semble clair que jamais elle n'entrera dans le débat pour critiquer la gestion de crise et que, au contraire, elle se fera, tout comme la chanteuse "Adèle" (la mode du simple prénom en A) l'influenceuse vers la pérennisation des mesures et la vaccination, même à contrecœur.


Le naturel, cool, à l'aise, comme chez soi (surtout chez soi) auquel il nous est fait référence, tout comme le sur-souligne graphiquement l'affiche, est contrefait à la source: elle ne connaît pas la vraie vie et ses attitudes sont empruntées, elle surjoue son naturel. Au comble, elle fait ce que j'avais directement pré-senti en voyant qu'un film lui était consacré et que l'horrible canard avait titré "Angèle émue à la sortie de son film: elle ne pensait pas s’être autant dévoilée": Elle lis des passages de ses journaux intimes. Comment peut-elle s'étonner de s’être dévoilées alors qu'elle lisait devant camera et cameraman (ou woman) le plus intime ? Était-elle sous GHB lors de ses interviews ?


Tout est sous contrôle dans ce documentaire idéaliste, tout est mis au service de booster son image et d’accroître son influence chez les jeunes. Les collaborations avec le rappeur "Damso" ont plus l'air de résulter d'une stratégie de marketing avec du contrat juteux que d'un franc intérêt pour l'univers tant musical que social de l'autre.
Bravo les parents ! Roméo a l'air d'un sale gamin un peu débile avec un accent de quartier et des attitudes de racaille, pris la main dans le sac pour "acte sexiste" (tentative ratée d'embrasser une fille) ce qui vaudra des réactions violentes de la frangine par articles de presses interposés.


Angèle est un peu le standard qu'aurait pondu un logiciel de simulation pour séduire la masse. Elle rempli toutes les conditions face à un publique devenu à-moitié ou totalement débile depuis bientôt deux ans de restrictions, de masquage, de brimades et de privations. Se pliera-t-elle au ridicule de l'eurovision ?

tobor
1
Écrit par

Créée

le 30 janv. 2022

Critique lue 566 fois

2 j'aime

tobor

Écrit par

Critique lue 566 fois

2

D'autres avis sur Angèle

Angèle
WooTaiki
7

« T’es jolie, mais ça suffira pas! »

C’est reparti pour un autre docu musical signé Netflix. Cette fois-ci, direction la Belgique avec « Angèle ». Qui dit nouvel album, dit documentaire pour faire la promo de celui-ci, on commence à...

le 15 mai 2022

9 j'aime

Angèle
AstridMarguet
1

Angèle, Angèle, Angèle et encore Angèle

Le documentaire Angèle est écrit par Angèle sur Angèle pour Angèle et n'a pour but que la promotion du deuxième album ainsi que de ménager l'image de la chanteuse en revenant sur certaines polémiques...

le 6 janv. 2022

6 j'aime

1

Angèle
inimay
5

Du risque d'une rétrospective après un seul album...

Se lancer dans un docu rétrospectif après un seul album, c'est un peu comme écrire son autobiographie à 25 ans : il y a une grosse promesse de vide. Mais la popularité d'Angèle ayant été si rapide et...

le 19 déc. 2021

3 j'aime

1

Du même critique

The Signal
tobor
2

Quel signal? de quoi? C'est "Invasion des mutants robots E.T gentils et même un peu cons"

Pour tenter d'éviter de se tromper, "The signal" se contente de ne rien dire. On sait, on comprend, vu l'affiche, qu'il y a un mystère sous-jacent, quelque-chose, mais: se dévoilera-ce...

le 7 août 2014

24 j'aime

21

Retour vers le futur
tobor
5

Ruteur vers le foutur

Je viens de voir ce film qui semble aujourd'hui enrobé de la précieuse aura de "film culte"! Certes, c'est un pur produit du marketing qui faisait peut-être mouche en 1985 laissant un effet...

le 30 sept. 2013

19 j'aime

35

1985
tobor
7

1984+1

Il est assez inattendu de trouver une série belge de ce niveau ! Sous différents angles, que sont la photographie, le jeu, le rythme, la crédibilité et le sujet en lui-même qui ouvre sur différentes...

le 4 mai 2023

11 j'aime