Annihilation pour moi c’est un constat un peu aigre-doux. Annoncé il y a peu, il a fait une entrée fracassante sur Senscritique (en tout cas dans mon fil d’actu) à coup de relais de bande-annonce, qui était, je dois bien l’avouer, fort intrigante. Elle n’a d’ailleurs pas été sans me rappeler un certain Premier contact de par cette atmosphère auréolée de mystère (et puis il s’agit ici d’un premier contact ne l’oublions pas).


Comme vous le savez si vous me connaissez un peu, j’écris très peu de critiques. Très souvent je ne m’en sens pas la force tant ce que j’aurais à dire ne me paraît qu’effleurer la surface et non attaquer la substance de l’œuvre en question. Seulement là j’ai des choses à dire. Et pour une fois je ne viens pas encenser une œuvre subjectivement parfaite mais juste défendre un film qui souffre de gros défauts, tels qu’ils ont tendance à éclipser des qualités indéniables et une prise de risque apparente. Et c’est sur ces derniers points que j’aimerais revenir.


Annihilation n’est pas foncièrement un bon film et scientifiquement parlant il ressemble plus à une odieuse monstruosité. Je m’explique. Tout le postulat du film se base sur la science et pourtant cette même science ils nous l’expédient en deux coups de cuillère à pot au début du film et puis démerde-toi avec ça. Au final ce postulat scientifique reste pour moi noyé dans un flot d’inepties scénaristiques. Quand on prône une certaine scientificité, renforcée qui plus est par la présence de chercheurs en tous genres, on s’attend à autre chose que des banalités ou des absurdités (dont le summum restera pour moi la scène de l’analyse de Lena, la biologiste (non une division cellulaire ne s’effectue pas à la seconde où on pose ses yeux dessus)). De plus on ne les voit JAMAIS collecter quoique ce soit concernant leur expéditions ou prendre des notes sur le monde qui les entoure (mis à part pour les analyses de Lena mais rien de durable pour les expéditions futures). Si l’on en revient aux qualités purement scénaristiques, l’on peut noter qu’il n’y en a tout simplement pas. Les dialogues sont tellement inoubliables que pour tout vous dire j’ai tout oublié. Rien des explications ridicules qui ont pu être données, rien des faits qui ont pu être abordés, le néant je vous dis. Bon certes je grossis un peu le trait, mais c’est pour mieux vous montrer sa principale force : son visuel.


Car oui c’est bien ses qualités artistiques qui sauvent le film. Cette diversité et cette originalité qui imprègne chaque minute du long-métrage. Ce sentiment n’est pas présent au début du film mais se développe crescendo au fur et à mesure que l’on perce le mystère à jour (le perce-t-on jamais vraiment cependant ?). Je ne veux pas spoiler les principaux éléments qui m’amènent à affirmer ça mais je pense que ceux qui auront déjà vu le film ne pourront me contredire et verront sûrement à quoi je fais allusion. Pour résumer le film est empreint d’une sorte de beauté macabre où destruction marche de pair avec création. Cela nous donne donc de magnifiques et funestes tableaux qui allient ces deux modalités, apparemment en opposition, à merveille. Et c’est ces éléments qui permettent d’instaurer une ambiance qui m’a particulièrement tenue en haleine tout du long. Parfois intriguant, beau, atrocement glauque (sentiment qui se manifestera plus d’une fois) mais rageant aussi du fait d’un scénario ressemblant très fort à du gruyère. Finalement à bien tout considérer c’est le visuel plus qu’autre chose qui raconte la véritable histoire. Ce même visuel qui nous emporte vers l’éclaircissement d’un mystère qui dépasse notre entendement. La clé de l’histoire réside dans l’image et ce ne sont pas les nombreux détails présents dans le film qui me contrediront. Mais pour ça il faut totalement oublier ce postulat scientifique et voir les choses sous un angle bien plus métaphysique quitte à accepter que nous ne pouvons pas tout saisir non plus. Tant car cela dépasse notre entendement que parce qu’à force de jouer sur les deux tableaux j’ai l’impression que même l’équipe du film réussi à s’emmêler les pinceaux et à se perdre avec leurs propres indices.


Concernant la fin tout cela ne nous emmènerait pas sur la reconstruction du couple Kane/Lena, les deux ayant été transformés par cette aventure (et pour le coup réellement) ? En effet le principal effet du miroitement est la destruction suivie d’une reconstruction sur ces mêmes bases et comme on l’a vu, une reconstruction qui passe par une funeste étape obligatoire pour engendrer cette phase de transition. Ainsi le vrai couple d’apparence bien sous tous rapports, ayant chacun succombé au processus d’autodestruction (Lena en trompant Kane, Kane en s’engageant dans une mission suicide) se trouve détruit à la fin du film au profit de doubles, symboles d’une renaissance à la fois de Kane et Lena mais aussi de leur couple. Pourquoi eux ? Peut-être que la reconstruction était impossible pour les autres membres de l’équipe tout simplement, les dommages étant trop importants (oui car chaque membre de la petite équipe se trouve affublé des mêmes caractéristiques opérant à des niveaux différents). Si l’on considère la chose d’un point de vue plus rationnel (du point de vue de la SF) on peut alors considérer que les doubles de Kane et Lena sont alors des entités extraterrestres ayant pour but de coloniser la terre mais ce serait briser tout ce que représente le miroitement qui est l’essence même du film. Enfin bien entendu je ne cherche pas à dégager des réponses universellement vraies concernant ce film, mais juste de vous proposer l’analyse qui me parait la plus plausible (et qui reste cependant très incomplète).


Au final tous ces petits défauts scénaristiques sont agaçants et peuvent gâcher le plaisir du visionnage, je ne le cache pas, mais à défaut d’être parfait Annihilation possède son identité, c’est un film qui ose et qui n’a pas peur de s’écarter des sentiers battus en proposant une expérience certes imparfaite mais unique en son genre. Et je peux vous dire que dans le paysage de la SF, qu’est-ce que ça fait plaisir de voir un film sans prétention qui jongle, même maladroitement, avec les codes ! Finalement je crois que c’est ça que je préfère dans la SF, ces films qui osent et qui savent s’approprier un matériau qui lui est propre. Quand je l’ai vu je n’ai pu m’empêcher de faire l’amalgame avec un petit bijou de SF encore trop méconnu, The Frame. Certes les deux proposent une histoire totalement différente mais j’ai ressenti la même bienveillance à leur égard.

Gabrielle_Goudet
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le 15 mars 2018

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Rockatansky

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