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Anniversary
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Anniversary

Film de Jan Komasa (2025)

À l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de mariage de ses parents Ellen et Paul Taylor, leur fils Josh décide de présenter sa petite amie Liz à sa famille. Si ses trois sœurs préfèrent encore garder leurs distances avec la nouvelle venue afin de la jauger, celle-ci ravive rapidement un certain malaise chez leur mère.

Professeur d'université, Ellen reconnaît en effet son ancienne élève, une étudiante à l'idéologie anti-démocratique dangereuse, avec qui elle était entrée en conflit il y a plusieurs années...


Si le film de Jan Komasa démarre comme bon nombre de films centrés sur une famille américaine bourgeoise et aux aspirations libérales, avec un personnage extérieur qui s'y immisce pour trouver ses marques, Liz nous est présentée dès la première scène comme une sorte d'entité parasite cherchant à s'y fondre, répétant des répliques devant un miroir pour briller lors des échanges incontournables à venir. Lors des festivités, à travers les membres de la famille, la caméra ne cesse de capter ses regards comme ceux d'une intruse, déroulant sa partition parfaite de petite amie qui cherche à se faire accepter mais qui reste, dans le même temps, toujours sur le qui-vive, observatrice presque clinique du comportement de ses hôtes.

Dès que sa nature d'ex-étudiante aux idées autoritaristes éveille des soupçons chez son ex-professeur, le vernis autour de leur petite réunion familiale pétrie de clichés hollywoodiens se craquèle. L'obsession d'Ellen pour Liz, la désinvolture du père/mari devant cette révélation, la réussite et l'intelligence des trois filles inspirées par l'éducation de leur mère mais qui n'a visiblement pas fonctionné pour Josh, écrivain raté ramené à son échec par ses sœurs et sur lequel il a manifestement été facile pour Liz de jeter son dévolu et de l'amener à épouser sa vision... Même si ses intentions restent pour l'heure floue (sinon de se rapprocher de la professeur l'ayant conspuée) tout comme le vent contraire idéologique qu'elle souffle, la seule présence de Liz chez les Taylor, amenée à être pérenne, nous est décrite comme un détonateur qui ne va cesser d'augmenter l'amplitude des ondes des choc qu'elle provoque.


Le livre écrit par Liz, "The Change", brûlot politique prônant un parti unique pour l'Amérique, va en effet devenir un véritable phénomène de société et, malheureusement, bien plus.

Évidemment pour les États-Unis dans leur ensemble mais avant tout pour les Taylor dont le récit ne quittera jamais la cellule familiale, faisant du désagrégement de celle-ci sur le long-terme (...enfin, pas tant que ça) le symbole de la destruction de tout un modèle social pensé comme inébranlable. Par ellipses de un ou deux ans, les vagues d'un autoritarisme de plus en plus désinhibé ne vont plus seulement se cantonner à fissurer l'unité des Taylor, elles vont la faire imploser pour en attaquer et ronger chacun de ses membres dans la position qu'ils adoptent vis-à-vis de ce système resserrant son emprise sur eux jusqu'à l'agonie.


Se parant d'une approche presque scientifique (à l'instar d'une des sœurs vouant une passion aux virus et autres organismes parasites) afin d'étudier comment le venin pamphlétaire injecté par Liz, et ses proportions infectieuses ahurissantes au sein d'un tout pays, influe cette famille, le film de Jan Komasa engendre une ambiance tout aussi scotchante que glaçante, à la puissance toujours plus exponentielle au fur et à mesure que ses strates temporelles défilent pour nous faire assister à la déchéance de ses protagonistes dans cette spirale totalitariste implacable.

Et, si l'ombre ainsi déployée de tout un pays ayant sombré dans la folie les broie un à un dans ses ténèbres (autant par l'asservissement de certains que par la résistance dont font preuve d'autres), et ce jusqu'aux pires issues radicales qui puissent en découler (quel final !), "Anniversary" nous laissera sur sa perspective la plus anxiogène, celle de son parasite originel: un simple être humain, si aveuglé par sa haine qu'il a choisi de l'étendre de façon systémique pour se déclarer vainqueur face à ce qui l'a engendré. En cela, par cette ultime scène en réponse à son ouverture, le film ne pouvait pas trouver une conclusion plus terrifiante.


Bien sûr, par sa charge politique frontale et aussi le fait que les protagonistes se doivent de devenir des figures parfois caricaturales, propres à ce genre de dystopie en tant qu'incarnations de leur monde au sein de ce noyau familial, "Anniversary" est un film qui va sans doute cliver et faire parler de lui mais, sur ces deux points, il sera dur de contester que le propos est complètement assumé et va jusqu'au bout de son parti pris intimiste pour y traduire les dérives pouvant embraser l'ensemble d'un peuple.

Avec son casting parfaitement choisi pour en porter toutes les composantes et visages, "Anniversary" est un cri d'alarme saisissant face aux points de bascule extrémistes menaçant d'emporter tout ce que l'on considère comme acquis et immuable dans nos sociétés actuelles.

RedArrow
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le 26 nov. 2025

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