Fantaisie historique directement inspirée de théories brumeuses du siècle dernier, Anonymous s'amuse à écorner le mythe de William Shakespeare, plus grand dramaturge de tous les temps. Dès le prologue, le caractère ludique et donc factice des évènements à venir est mis en avant par le narrateur débonnaire Derek Jacobi, propulsé plus grand spécialiste de Shakespeare devant la foule en liesse d'un théâtre New-Yorkais.
Derek Jacobi est d'ailleurs coutumier du fait : en 1998 il incarnait Francis Bacon dans une autre fantaisie artistique : Love is the Devil. Et d'après Derek, William Shakespeare n'a pas écrit un traitre mot de son œuvre : le comte d'Oxford, Edward de Vere en est l'auteur...


Le plus souvent, quand on essaye de démystifier les grands de ce monde, on n'a d'autre moyen que de s'évertuer à mettre en avant leurs fêlures, histoire de les rendre plus humains... Or aujourd'hui Roland prend la direction opposée à Shakespeare in Love : il filme un être humain pour progressivement en dévoiler le génie.


S'en suit un film à tiroirs, étalé sur quarante ans de règne Elisabethain qui revisite la création de Roméo & Juliet, Le Songe d'une Nuit d'Eté, Henry V, Hamlet et Macbeth. Et au détour de brillantes intrigues politiques de la cour d'Elisabeth Première, il livre un film sur le pouvoir des mots.


Quand Edward de Vere découvre l'engouement de la foule dans un théâtre populaire, il voit là un moyen de délivrer à visage couvert ses messages séditieux. Son but ? Faire tomber le fils de William Cecil, conseiller privilégié de la Reine, qui lui a pourri la vie depuis son plus jeune âge... Pas par les armes, mais par les mots. S'il manipule la plèbe aussi bien que la plume il pourra bouleverser le cours de l'histoire.


Et c'est Roland Emmerich, coupable du divertissement le plus ouvertement propagandiste des années 90 avec Independence Day, qui nous propose cette réflexion sur la responsabilité des créateurs !


Comble de l'ironie, c'est aussi par des mots assassins que de Vere sera terrassé, alors que la foule qu'il pensait contrôler tombe sous une pluie de plomb.


Non content de faire le plus beau Mea Culpa de l'histoire du Cinéma, Roland offre à ses acteurs des rôles denses et ils font tous honneur aux dialogues ciselés de John Orloff. Rhys Ifans trouve enfin un autre rôle que celui d'un taré en slip ou d'un tueur en série. Vanessa Redgrave est parfaite en pétulante gamine prisonnière d'un corps de vieille. David Thewlis s'essaye à la performance-sous-une-tonne-de-maquillage avec grand succès.


Du coup, je suis cent fois plus en confiance pour Foundation.

mikeopuvty
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes TOP de ma vie, 2012 - TOP 10, Les Films de ma BluRaythèque et TOP 30 des années 2010

Créée

le 19 janv. 2012

Critique lue 1.2K fois

7 j'aime

5 commentaires

Mike Öpuvty

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

7
5

D'autres avis sur Anonymous

Anonymous
TheScreenAddict
7

Critique de Anonymous par TheScreenAddict

Le nom de Roland Emmerich est associé, peut-être ad vitam æternam, à la notion de spectaculaire, voire de bourrinage à l'hollywoodienne. Auteur de films catastrophe toujours plus hyperboliques...

le 9 janv. 2012

13 j'aime

1

Anonymous
Gand-Alf
5

Imposture.

Spécialiste du bon gros blockbuster qui tâche, Roland Emmerich avait touché le fond avec l'ignoble "2012". Est-ce pour se racheter une conduite que le bonhomme décide de laisser de côté le film à...

le 5 mars 2013

11 j'aime

12

Anonymous
LuluCiné
2

Critique de Anonymous par LuluCiné

Les dix premières minutes ont suffit à me convaincre que j'allais m'ennuyer pendant les deux heures restantes. Et pourtant, la bande annonce comme l'éclairage à la bougie réussissaient à mettre en...

le 9 janv. 2012

10 j'aime

10

Du même critique

Super Size Me
mikeopuvty
2

Démonstration par l'absurde.

Super Soy Me : Morgan Spurlock passe deux mois à ne manger que des nouilles sauce soja. Il prend quinze kilos, mais on lui enlève un rein, donc au total seulement 14k850g... King Size Me : Morgan...

le 26 oct. 2012

253 j'aime

87

Hercule
mikeopuvty
3

HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGGHHHH !!!!

" SI VOUS VIVEZ A LA FIN DU COMBAT ALORS C'EST GAGNE !! AAAAAAAAAAAAAAAAAAHH !!! " " BUVEZ SOUS PEINE D'AVOIR SOIF !!!! HAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!! " " QUAND NOUS AURONS GRAVI CES MARCHES NOUS SERONS...

le 27 août 2014

222 j'aime

29

Pourquoi j'ai pas mangé mon père
mikeopuvty
1

La Bouse de Jamel

On sait qu'une comédie est embarrassante quand les moments comiques provoquent des soupirs gênés, et les scènes de mystère ou épiques des éclats de rire... Pourquoi j'ai pas mangé mon père est de ces...

le 10 avr. 2015

205 j'aime

22