Cendrillon en 2025, c’est une stripteaseuse qui fait aussi dans la prostitution.
Le prince charmant, lui ? C’est un dégénéré complet.
Voilà, en gros, ce que Sean Baker nous dépeint : une génération décadente, déconnectée du romantisme d’antan et qui pourtant ne demande qu’à être aimée.
Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu des personnages aussi bien incarnés dans leur façon d’être et dans ce qu’ils représentent au plus profond d’eux-mêmes.
Tout le monde joue terriblement bien. Les réactions de chacun nous plongent dans leur manière d’être et on comprend juste en quelques dialogues, quelques mimiques, qui ils sont et quelle façon de penser ils ont.
Mikey Madison est drôle et émouvante à outrance, tout comme Igor, qui incarne parfaitement le genre de gars que je trouve exceptionnel dans un film. J’ai aussi énormément ri devant pas mal de scènes, un humour comme je l’aime, qui repose entièrement sur les mimiques, les dialogues et la manière de jouer des personnages.
Comme d'habitude avec Sean Baker, c’est superbement réalisé, garni d’une ambiance aux petits oignons et avec ce mélange très particulier d’ironie légère et de désespoir silencieux qu’il maîtrise à la perfection.
Ce qui est également intéressant dans le film, c’est comment notre regard sur les personnages évolue, surtout sur Ivan.
Au début, on se dit qu’il est sincèrement amoureux d’Anora, et vu qu'on nous la présente comme une strip-teaseuse / prostituée qui veut juste s'en mettre plein les fouilles, la pensée qu'elle puisse profiter de lui nous traverse l'esprit. Mais au final, on voit que ce n'est pas le cas, qu'elle est vraiment attachée à lui, mais que malheureusement Ivan est complètement déconnecté de la vie réelle, des relations humaines, qu'il est enfermé dans sa bulle de riche pourri gâté et qu'il est totalement sous le contrôle de ses parents, car ce sont eux qui gèrent et lui donnent tout son confort et son argent.
Au début, je ne savais pas si c’était un film qui glorifiait la décadence et les agissements d’Anora, et c’est là que Sean Baker est fort : il nous montre tout ça de manière très réaliste, sans jamais porter de jugement apparent sur ses choix ou ses excès.
Le film laisse éclater, dans sa dernière scène, une vérité muette : derrière l'apparente désinvolture, Anora est une âme broyée par son propre mode de vie. Anora prend conscience du gouffre creusé en elle par sa vie de décadence, au point que son dernier geste de remerciement envers Igor, suivi de ses larmes, révèle à quel point elle est brisée et a la fois lucide sur ce qu’elle est devenue.
Ce qui au final, nous livre tout de même un avis (ou une morale) de la part du réalisateur, lors des toutes dernières secondes du film.