La critique sur laquelle je vais sûrement me faire le moins d'amis.

Il y a dans Another Earth tout ce qui peut m'agacer dans les films de genre indépendants actuels. Évidement pensé pour plaire aux amateurs de films d'auteur sans le sou, il affiche le cahier des charges de l'oeuvre fauchée qui, se justifiant par son postulat de base prétendument original, jouera les oeuvres intellos pendant moins d'une heure trente, désireuse de devenir, si ce n'est la nouvelle pièce angulaire du genre, du moins une bonne surprise qui innovera un minimum.


Là où le film partait d'emblée mal, c'est qu'il pensait faire du neuf avec le sujet des Terres parallèles, déjà bien évoqué dans notre culture geek actuelle; quelle ne fut pas son erreur quand il commençait à nommer notre Planète voisine Earth 2, renvoyant directement à ce que les comics avaient pu faire de mieux comme intrigues sur des Terres parallèles, miroir de la société des super-héros de chez DC souvent certes caricatural, mais à la portée idéologique très intéressante.


Et si la réflexion d'Another Earth autour du monde miroir pourra, au départ, promettre une certaine approche nouvelle du genre, on revient à ce que je disais plus haut sur les films d'auteur prétentieux : s'ils ont pour volonté de se montrer en train de réfléchir sur différents thèmes sociaux, ils passent souvent plus de temps dans la superficialité des apparences que dans la sincérité d'une véritable oeuvre d'auteur.


Dans ce cadre là, Another Earth ne parle pas de science-fiction; non, la Terre miroir n'est qu'un prétexte pour ranger le film dans des cases, un élément supplémentaire que certains trouveront intéressant pour donner encore plus de portée à l'intrigue, quand d'autres, comme moi, penseront que l'idée alourdie une intrigue pourtant très simple, en plus de contribuer à mal vendre un film qui n'en aurait eu que plus d'honnêteté.


Another Earth parle finalement de rédemption; c'est la quête de pardon d'une fille meurtrière, provocatrice d'un accident de voiture duquel elle se sortit miraculeusement, tandis qu'elle venait de se prendre une voiture de plein fouet. Deux morts, un blessé grave, le père de famille qui devra enterrer ses deux amours; à notre héroïne de revenir le voir des années plus tard, et de faire plonger l'intrigue dans une histoire d'amour que l'on sait fermement condamnée, et qui ne semblera entraîner qu'une résolution triste à l'histoire, convenue et pleine de pathos.


Car si l'on connaît déjà sa fin, c'est qu'Another Earth désire nous surprendre; dans sa volonté de marquer les esprits, il se conclue sur un twist final laissant étrangement penser au spectateur qu'il se boucle en fait sur la scène qui aurait dû l'ouvrir, n'abordant son sujet qu'avec un plan final certes surprenant, mais au fort pouvoir de frustration. Que dire de plus qu'on voulait suivre une réflexion sur les Terres parallèles plutôt qu'une éternelle histoire d'amour et de pardon, qui aura au moins la décence de ne pas bien se conclure?


Mais il n'y a pas que cela qui me gêne dans ce film. Il y a cette fameuse mise en scène, laide et clipesque, pour gâcher tous les thèmes humains qu'il pourra aborder. Affreuse, mal éclairée, désaturée à la mode Nolan sans une once de gestion de la colorimétrie (il n'y a aucune couleur vive, juste des couleurs auparavant chaudes qui tendent presque uniquement vers le gris), la réalisation d'Another Earth rend son visionnage difficile, pénible, éprouvant.


Il y a là toute la ribambelle d'effets visuels de ces films de genre douteux des années 2000; entre les lumières fades, les couleurs éteintes, les flashs de lumière et le montage épileptique, on se demandera finalement ce qu'on est en train de regarder, si l'on n'est pas tombé sur une sorte de DTV Asylum un peu mieux joué que la moyenne. S'y ajoutera le retour remarqué de zooms accompagnant les changements d'expressions de nombreux personnages, terminant de filer la migraine à celui qui attendait une vraie mise en scène.


Sur un point de vue formel, Another Earth trouve son équivalent dans le fait de se promener en mer avec le mal de mer, sur un bateau qui, agité par les marais, ne cesse de vous envoyer valdinguer. Une suite ne serait pas de refus; déjà pour donner plus de profondeur à la partie science-fiction de l'intrigue, puis pour donner un peu plus de crédibilité à l'art pictural de Mike Cahill, qui réalisait là son premier film. Tout de même curieux de voir I Origins.

FloBerne
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le 21 janv. 2019

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FloBerne

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