Paradoxe quantique

...mais que fait Kevin Feige ?

C'est la question que je me suis posée à la toute fin de ce nouvel Ant-Man. Quinze ans de MCU, une première phase formidable, une seconde un peu plus faible, une troisième plus qu'honorable se finissant en apothéose... et une quatrième phase gâtée par un contexte sanitaire pénible pour tout bon cinéphile, qui a élargit le MCU au monde des services de vidéo à la demande avec du très bon (Doctor Strange in the Multiverse of Madness) comme du franchement passable (She-Hulk : Avocate)... et aujourd'hui, un début de cinquième phase qui sent mauvais le faux départ.

Je m'explique : c'est un fait, depuis la phase 4, le MCU est désormais voué à nous être dispensé dans les salles obscures comme sur Disney+ ; en résulte une diégèse de plus en plus gargantuesque, parfois même indigeste, où les changements de styles entre chaque film et chaque mini-série en apparaissent hélas de plus en plus flagrants et maladroits : personnages complètements réécrits, retcons malencontreux, illogismes de continuités, facilités scénaristiques un peu poussées, etc.

Un tel frein de créativité est propre à chaque concept d'univers étendu, me direz-vous (et encore, je ne parle pas des délais de post-productions invraisemblables alloués aux équipes des effets spéciaux tant le calendrier des sorties s'en trouve non seulement plus chargé, mais également plus pressé). Pourtant, ce début de phase 5 m'a évoqué un autre début pénible : juillet 2021, Black Widow, (re)démarrage au cinéma pénible car parfum covid mais hélas en demi teinte d'un point de vue qualitatif pour ce qui était de cette ultime apparition de Scarlett Johansson. A frein créatif s'ajoute donc un an et demi plus tard ce constat de frein scénaristique : de la fin de la phase 3 à celle de la phase 4, rien n'a réellement bougé au sein de l'intrigue. Passages de flambeaux en tous genres (féminins, notamment), délires hors série, introduction de nouveaux héros qui parfois peinent à s'élever au même niveau charismatique d'un Tony Stark ou d'un Steve Rogers ...mais quid du fil rouge ? Quid de l'enjeu réel de poursuivre ce lore super-héroïque, sinon à augmenter le nombre d'abonnements à Disney+ ? Kevin Feige tente-t-il involontairement de donner raison aux détracteurs du MCU qui accusent ses films de n'être que des bandes-annonces de deux heures sans réelle saveur ?

Le nouvel antagoniste principal est révélé, et bien que la prestation de Jonathan Majors ne desserve pas ce nouveau film, son Kang peine à se hisser au niveau d'un Thanos tant la menace qu'il est sensé évoquer à sa seule apparition ou à la prononciation de son nom parait ici artificielle et forcée. Depuis son teasing à la fin de Loki, j'en attendais peut-être un peu trop. Mais sans spoiler une quelconque minute de ce nouveau film, je ne suis absolument pas sorti de ma séance convaincu que le roster de super-héros mis à jour depuis juillet 2021 aurait fort à faire avec un tel super-vilain... pour le moment. Peut-être ai-je tort, l'avenir me prouvera que Kang est le nouveau grand méchant qu'il fallait au MCU.. ? Toujours est-il que l'introduire de manière aussi maladroite pour inaugurer une nouvelle phase n'augure rien de franchement bon, sinon une redite pénible et aseptisée de la précédente et les fausses notes qui vont avec.

Et c'est là que mes inquiétudes ne font que grandir : sommes-nous à la phase (no puns intended) où l'effet de mode Marvel commence à essouffler ? Tout effet de mode est cyclique, avec un début et une fin ; le MCU a-t-il atteint ses limites, en dépit du calendrier encore chargé de films et séries qu'il nous propose pour encore les trois ou quatre prochaines années ? J'aime ces films, j'ai grandi avec eux, je continue et continuerai à suivre ces super-héros. Si seulement la ligne temporelle qui les porte pouvait avoir moins d'incursions si navrantes...

Ou alors suis-je devenu un spectateur (trop) exigeant ? Les temps changent, les modes aussi. Les gens surtout.

...

Ou alors Kevin Feige est-il réellement devenu K.E.V.I.N. ? (Oui, je spoile She-Hulk de manière éhontée ; vu la quasi absence d'apport qualitatif de cet étron épisodique au reste du lore, ça n'est pas cher payé)