Nous partons aujourd’hui à la rencontre d’Antoinette dans les Cévennes : un petit film français comme je les aime, estampillé Sélection officielle Festival de Cannes 2020 et réalisé par Caroline Vignal. Qui a la particularité d’avoir une filmographie qui tient sur un post-it, puisque son premier et dernier long-métrage date de l’an 2000.


Nul ne sait à quoi est due cette curieuse absence de 20 ans, et j’aime à croire naïvement que c’est le temps que Caroline Vignal a choisi de prendre pour mûrir ce joli portrait de femme avant de le porter à l’écran et de sortir son film pile au moment de la plus grande crise qu’a jamais traversé le cinéma. Voilà quelqu’un qui n’a pas froid aux yeux !


Un courage qu’on lui reconnaît sans peine, et qu’on retrouvera par mimétisme dans son personnage principal : Antoinette, une pétillante institutrice, éprise d’un parent d’élève avec qui elle entretient une relation. Plus amoureuse que jamais, Antoinette décide sur un coup de tête de partir dans les Cévennes où son amant est en congé avec sa femme et sa fille. Flanquée d’un âne répondant au nom de Patrick, plutôt récalcitrant, elle effectue chaque étape d’une randonnée entre deux refuges, bien décidée à se rapprocher au plus près de son aimé…


Nous marchons ici dans les pas de Robert Louis Stevenson. Lui qui, à la faveur d’un chagrin d’amour, avait choisi de traverser les Cévennes avec un âne, donnant ainsi son nom au GR70 associé. Un récit qu’il avait choisi de retranscrire dans un roman naturellement intitulé Voyage avec un âne dans les Cévennes, et dont Caroline Vignal a choisi de s’inspirer pour imaginer l’histoire d’Antoinette : une femme sensible et pleine de vie dont les émotions n’auront de cesse d’évoluer au fil de sa randonnée, se libérant des regards et des qu’en dira-t-on dans sa quête d’indépendance.


A bien y regarder, peu d’actrices auraient pu s’emparer de ce personnage comme Laure Calamy a su le faire. Elle qui a fait ses armes sur les planches, abonnée jusqu’alors aux seconds rôles sur petit et grand écran. Celui de Noémie Leclerc dans la série Dix pour cent, pour n’en citer qu’un. Elle qui, au fil de ses interprétations, a su construire ce personnage ultra-solaire de femme enfant à la fois expressive et sensuelle, dont l’immense fragilité cache, bien souvent, un caractère bien trempé. Un potentiel qu’il était grand temps d’exploiter avec un premier rôle.


Plus belle que jamais, Laure Calamy a ainsi trouvé dans Antoinette un personnage à la hauteur de son talent, servie par un scénario malin et des dialogues subtils. Déjouant les clichés à l’envi et expédiant bien volontiers les ressorts scénaristiques déjà bien rouillés de la comédie romantique et du vaudeville. Préférant se laisser guider tranquillement par le pèlerinage intérieur d’Antoinette au gré du chemin de Stevenson. Et ça, ça fait du bien ! Quand les comédies sont pensées comme des moments autour de leurs protagonistes et non comme des machines à gags qui doivent épouser un cahier des charges tyrannique. A l’image de la très classique séquence “Courir après son bien aimé à la fin du film” que personne n’a vu venir, et surtout pas de cette façon !


A terme, Antoinette dans les Cévennes est la petite surprise de la rentrée qu’on n’attendait pas. Labellisé sélection officielle Cannes 2020, et désormais sympathique prétendant aux César, pas pour les gros prix mais à minima pour celui de la meilleure actrice, tant Laure Calamy est éblouissante dans ce film. Un joli portrait de femme, libéré, bien maîtrisé, qui dépoussière franchement le genre. Et l’air de rien, qui démontre qu’en dépit du contexte actuel, c’est bien dans les salles qu’on arrive le mieux à prolonger les vacances. En compagnie d’un âne, qui l’eut crû ?

Maître-Kangourou
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Courir après sa bien-aimée à la fin du film *SPOILER LIST*, Vus en 2020 et Les meilleurs films de 2020

Créée

le 24 oct. 2020

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