3 minutes pour coller le spectateur sur son siège

Que reste-t-il d’un film ? D’une œuvre en général ? Le temps est un merveilleux tamis pour trier les chefs d’œuvre de la hype du moment, ou, sans être aussi sarcastique, du coup de cœur irraisonné.

Ce soir, on checke avec le professorino Apollo 13, le film de Monsieur Ron Howard, avec Monsieur Tom Hanks et une pelletée d’acteurs extraordinaires : Monsieur Kevin Bacon (Footloose, X-Men : Le Commencement) Monsieur Bill Paxton (Titanic) Monsieur Gary Sinise (Les Experts : Manhattan), et, évidemment, Monsieur Ed « Failure is NOT an option » Harris.

Le film est bon, bien sûr, si bon qu’il créera la matrice de la série De la Terre à la Lune : l’héroïsme de la NASA confronté au déclin médiatique de la conquête spatiale, la famille mise à mal, et évidemment, la nostalgies sixties. Tout cela fonctionne au petit poil, comme une Saturn V bien huilée.

Mais ce qui emporte le tout, c’est simplement la dernière scène, celle du retour de la capsule dans l’atmosphère. Ron Howard, arrive, en une dizaine de minutes, à faire oublier que nous savons déjà tout de ce happy ending. Les astronautes d’Apollo 13 n’ont pas péri dans la réalité, ils ne vont pas mourir ici. Pourtant, Howard réussi a créer un faux suspens autour de ces trois minutes fatidiques, ces trois minutes de silence radio, qui, s’ils se poursuivent au-delà, signifient la destruction de la capsule.

Howard est certes un bon technicien ; il a mis cet enjeu très tôt dans le film, dès l’accident : « Le bouclier thermique va-t-il résister ? » Il l’évoque à nouveau, à deux ou trois reprises, façon d’amener progressivement à la conscience du spectateur qu’il y a peut-être un problème de ce côté-là.

Mais surtout, Howard et ses acteurs créent dans Apollo 13 des personnages exceptionnels, profondément humains, avec leurs qualités et leurs défauts. Hanks-Lovell, capitaine courageux, Bacon-Swigert le seducteur parano, Paxton-Haise le bon camarade fragile. Kathleen Quinlan* fait une Marilyn Lovell, forte mais angoissée, qui vient renforcer ce canevas dramaturgique.

Mais c’est surtout Ed Harris* qui emporte la mise, pourtant dans un second rôle, plutôt discret au début du film : le Directeur de Mission de la NASA, Gene Kranz. Harris impose pendant tout le film un personnage bourru, autoritaire, mais soucieux avant tout du retour de trois hommes coincés dans quelques centimètres cube de métal au fin fond de l’éther intersidéral.

C’est quand les communications reviennent, après 4 minutes d’insoutenable suspens, et qu’Ed Harris consent enfin à s’asseoir sur sa chaise, les yeux embués de larmes, qu’Howard colle justement le spectateur à son siège, appliquant ainsi la règle du transfert, qui a pour but de maximiser l’émotion en mettant le spectateur dans la même situation que le personnage à l’écran.

Dans cette scène, d’une simplicité extrême, Howard a tout simplement transformé un biopic quelconque en classique instantané.

* Ces deux acteurs seront "récompensés" par deux nominations à l'Oscar du meilleur second rôle
ludovico
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le 30 mars 2013

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ludovico

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