Tous les fans de DC avaient, pour sûr, la gueule de bois après avoir vu un film aussi bâclé que Justice League. Et je porte à croire que bon nombre de cinéphiles, comme moi, qui avaient fait une fête dantesque autour de Man of steel et de Batman v Superman, se sont retrouvés comme exclu d'une boîte de nuit alors que la soirée a tourné en un ratage complet. Tout commençait si bien. Il est dit qu'une grande histoire d'amour comporte également de nombreuses déceptions, et c'est avec souffrance que j'ai vécu la débâcle de ces dernières années pour DC. Un échec industriel, critique et commercial d'un univers cinématographique riche, portés par des personnages mythiques, véritables icônes de la culture populaire.
J'aime ce que fait la concurrence, qui se contente d'un minimum à la manière d'une série télévisée, qui une fois gagné le cœur des téléspectateurs s'embourbe dans le moyen, le tout juste, le bof et l'attente d'une fin de saison palpitante qui tarde. Mais elle le fait bien. Pour autant mon amour pour DC date des célèbres séries animées de Bruce Timm, et je suis convaincu que les souvenirs d'enfants sont les plus forts et les plus difficiles à raisonner.
Aquaman n'est pas un film parfait. Cependant, Wan réussit quelque chose qui est devenu aujourd'hui très rare au cinéma: croire en son univers et proposer un film épique de la première à la dernière minute. Le style est graphique, ce qui d'emblée exclut une bonne partie des spectateurs qui préfèrent une image lisse, télévisuelle. Les gens d'aujourd'hui ont la critique facile, mais ont un penchant dangereux à rejeter ce qui sort des tristes normes actuelles. James Wan a un style bien à lui, et sa caméra virevolte dans les séquences d'action. Nous sommes tellement loin du charcutage massif des Frères Russo et du montage hyper intensif (plan-plan-plan-plan-plan-plan). Ici le réalisateur prend le temps de faire des transitions pertinentes, efficaces, qui ne touchent en rien au rythme du récit. L'action est posée et les travelling, marque du réalisateur, permettent au spectateur de sentir la puissance des événements.
Avoir un mec au style affirmé et reconnu derrière me rend curieux quant à savoir comment la Warner a géré en off la production d'Aquaman tant le film semble libre, loin des contraintes incompréhensibles imposées à Zack Snyder sur son demi Justice League, ou celles de rajouter des ponts lourdingues en vue du rassemblement des héros sur BvS.
Aquaman est visuellement époustouflant, et le monde aquatique est d'une immense richesse. C'est très créatif, si l'on n'échappe pas aux effets numériques qui ont tendance à déborder, il faut dire que le tout est terriblement homogène. C'est dommage en revanche d'avoir eu recours aux effets spéciaux dans des séquences terrestres à l'image du passage dans le Sahara, et c'est en ce point l'une des rares comparaisons que l'on peut faire avec Black Panther.
Les personnages ont une identité remarquable et un charisme fou. Aquaman, Mera, Nereus, Black Manta mais surtout Orm respirent la classe. Je me suis vu dans un comics et juste pour cette raison, j'ai une folle envie de me replonger dans cet univers que j'affectionne tant. Bien sûr, la trame scénaristique est déjà-vue, mais il faut rappeler que c'est une origin story. Soit disant c'est trop compliqué de comprendre quand le mec débarque dans Justice League sans avoir eu son propre film, donc ne venez pas vous plaindre d'avoir de nouveau une histoire dans laquelle le personnage principal doit se battre pour un trône contre son frère manipulateur, aigri, jaloux, qui veut détruire non pas le monde, mais les civilisations de la surface car ces dernières polluent les océans sans rendre de compte à personne. Si Aquaman se perd tantôt dans quelques éléments de scénario terriblement bateau, faisant parfois perdre le rythme, il faut accepter que James Wan cherche à proposer ici une aventure épique faisant la part belle à l'action au détriment, ou par acceptation, d'un scénario convenu.
Une fois cela dit, les acteurs sont tous plutôt concernés par leurs personnages, mais j'avoue volontiers avoir un faible pour Mera. Amber Heard est tellement magnifique que je suis obligé de l'écrire. Aquaman respire la classe, et lorsqu'il enfile pour la première fois son costume, j'ai été à la limite de crier de joie. C'est tellement incroyable d'avoir enfin un film sur Aquaman. L'acteur qui m'a de loin le plus plu est Patrick Wilson, parfait en Orm, et le voir enfiler ses casques à créer un souffle épique au film, à l'inverse de Willem Dafoe, trop en retrait, dans un personnage qui ne lui correspond pas.
La direction artistique est de qualité, et les costumes sont extrêmement réussis. Beaucoup ne semblent pas accepter la rousseur de Dolph Lundgren, et pourtant, il a trop de style dans ce film ! La bande originale est quant à elle surprenante. Les musiques composées par Gregson-Williams sont variées et s'accordent finalement bien avec l'image. On est loin des musiques de Wonder Woman mauvaises et peu marquantes. Il faut dire que personne n'avait encore composer de thème pour l'homme poisson, donc avoir carte blanche était un gage de nouveauté. Malgré la musique réussie, il y a une faute de goût. Et un faute qui coûte cher au film. Pitbull. Ce mec n'est déjà pas un artiste, mais oser aller toucher à Africa de Toto est l'un des pires affronts que j'ai vu dans l'histoire de la musique carrément. D'une part, ce gars-là n'a aucune légitimité à mon sens pour reprendre cette célèbre chanson, de l'autre, le style ne correspond absolument pas au reste du film. Du coup, on sort du film et on s'agace d'entendre ça, à l'inverse d'un style décalé qui colle parfaitement aux Gardiens de la Galaxie.
Enfin, le dernier point à aborder est celui de la tonalité. Sérieux qui ne se prend pas au sérieux, il y a quelques blagues, mais dans l'ensemble aucune ne désamorce les enjeux dramatiques du film ce qui en fait un film extrêmement fun et accessible au plus grand nombre sans jamais prendre les spectateurs pour des imbéciles.
Le Aquaman de James Wan redore le blason de DC. J'ai peine à croire qui'il cartonne au box office tant ce style graphique sied au cinéma quand les gens préfèrent les piquouses de Netflix. Loin de la platitude de Marvel, Aquaman est une fidèle adaptation de son personnage, intense pendant 2h20, on en a réellement pour son argent. La prise de risque est réelle, et le pari réussi. Aquaman s'impose comme l'un des meilleurs blockbusters de l'année, en exploitant profondément les mythes de son personnage, quand d'autres productions s'embourbent dans des codes dégueulasses pour répondre aux seules exigences de l'argent facile (cf Mortal Engines, Ant-man 2, The Predator, Venom).
8/10.